Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/108

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autel contre autel. Ensuite ils envoyèrent des lettres à l’empereur Constantin pour demander que les évêques d’outre-mer jugeassent l’affaire des évêques d’Afrique ; après qu’on leur eut donné les juges qu’ils avaient demandés, ils n’acceptèrent pas leurs arrêts rendus à Rome, et dénoncèrent auprès de l’empereur la sentence de ces évêques. Ils en appelèrent du jugement d’autres évêques envoyés à Arles, au jugement de l’empereur lui-même ; entendus par Constantin, et trouvés par lui calomniateurs, ils persistèrent dans le même crime. Éveillez-vous pour le salut, aimez la paix, revenez à l’unité. Chaque fois que vous le voulez, nous vous lisons comment toutes ces choses se sont passées.

3. On s’associe aux méchants en consentant aux actions des méchants, et non pas en supportant dans le champ du Seigneur l’ivraie jusqu’à la moisson, et la paille jusqu’à la dernière. œuvre du vanneur. Si vous haïssez les méchants, rompez vous-mêmes avec le crime du schisme. Si vous craigniez de vous mêler aux méchants, vous n’auriez pas gardé parmi vous, durant tant d’années, Optat qui vivait ouvertement dans l’iniquité, puisque vous l’appelez un martyr, il ne vous reste plus que d’appeler Christ celui pour lequel il est mort[1]. Que vous a fait le monde chrétien pour vous en séparer de la sorte dans une criminelle fureur ? et en quoi les maximianistes ont-ils si bien mérité de vous pour que vous les receviez dans leurs dignités après les avoir condamnés et les avoir chassés de leurs églises par des jugements publics ? Que vous a fait la paix du Christ, cette paix que vous avez rompue en vous séparant de ceux que vous poursuivez de vos calomnies ? Et en quoi la paix de Donat a-t-elle si bien mérité de vous, cette paix pour laquelle vous avez reçu ceux que vous aviez condamnés ? Félicien de Musti est maintenant avec eux ; nous avons lu pourtant que vous l’aviez condamné dans votre concile, que vous l’aviez accusé ensuite devant le proconsul et attaqué dans sa ville même de Musti, ce qui est consigné dans les actes publics.

4. Si c’est un crime de livrer les saintes Écritures, et Dieu l’a puni en faisant périr sur le champ de bataille le roi qui brûla le livre de Jérémie[2] ; combien est plus abominable le sacrilège du schisme, dont les premiers auteurs, auxquels vous avez comparé les maximianistes, furent engloutis vivants dans la terre[3] ! Comment nous reprochez-vous ce crime, sans pouvoir jamais le prouver, tandis que vous recevez parmi vous ces schismatiques que vous condamnez ? Si vous êtes justes parce que vous avez souffert la persécution au nom des empereurs, les maximianistes sont plus justes que vous, car vous les avez persécutés vous-mêmes, au moyen des juges envoyés par les empereurs catholiques. Si vous avez seuls le baptême, que fait au milieu de vous le baptême des maximianistes reçu par ceux qu’a baptisés Félicien condamné, et avec lesquels il a été ensuite rappelé dans vos rangs ? Que vos évêques répondent au moins sur tout ceci à vous, qui êtes laïques, s’ils ne veulent pas conférer avec nous ; et songez pour votre salut, songez à ce que c’est qu’un tel refus de la part de vos évêques. Si les loups ont tenu un concile pour ne pas répondre aux pasteurs, pourquoi les brebis n’en tiennent-elles pas un autre pour ne point se jeter dans les cavernes des loups ?

LETTRE LXXVII.

(Année 400.)

On remet au jugement de Dieu une affaire entre un moine et un prêtre. – Extrême réserve de saint Augustin en matière d’accusation.

AUGUSTIN AUX BIEN-AIMÉS SEIGNEURS ET TRÈS-HONORABLES FRÈRES FÉLIX ET HILARIN, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

1. Je ne m’étonne pas que Satan trouble les cœurs des fidèles ; résistez-lui, en demeurant dans l’espérance des promesses de Dieu qui ne peut pas tromper ; non-seulement il a daigné promettre des récompenses éternelles à ceux qui croient et espèrent en lui et persévèrent dans sa charité jusqu’à la fin, mais il a prédit que les scandales ne manqueraient pas pour exercer et éprouver notre foi, car il a dit : « Parce que l’iniquité abondera, la charité de plusieurs se refroidira, » et aussitôt il ajoute « Celui qui aura persévéré jusqu’à la fin sera sauvé[4]. » Quoi de surprenant si les hommes sont les détracteurs des serviteurs de Dieu et, dans l’impuissance de corrompre leur vie, s’efforcent d’obscurcir leur renommée, puisque chaque jour ils blasphèment Dieu lui-même et leur Seigneur en se plaignant de ce qu’il fait contre

  1. C’est pour Gildon que fut tué Optat de Thamugas.
  2. Jérém. XXXVI, 23, 30
  3. Nombr. XVI, 31-33
  4. Matt. XXIV, 12-13