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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/169

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une image vive de la résurrection des hommes, et le Seigneur, qui avait souffert et qui était ressuscité dans son corps, a été pour tous comme un miroir. Ressuscité, dans cette même chair avec laquelle il avait été attaché sur la croix et couché dans le tombeau, il a souvent paru devant les hommes, se servant de tous ses membres : on a pu le voir et l’entendre. Si l’on dit des anges, qui sont de purs esprits, qu’ils ont des langues polir célébrer les louanges du Créateur et lui rendre de continuelles actions de grâces, à plus forte raison les hommes, malgré la transformation spirituelle qui suivra leur résurrection et leur laissera tous les membres d’une chair glorifiée, avec leurs formes et leurs proportions, auront-ils une langue dans la bouche et feront-ils entendre des sons pour chanter les saints cantiques et exprimer les sentiments et les joies de leur âme. Peut-être aussi le Seigneur leur donnera-t-il, pour surcroît de grâce et de gloire, de chanter d’autant mieux, pendant tous les siècles que durera son royaume, les divines louanges, que leurs corps auront acquis une plus haute et plus parfaite nature : ainsi établis dans des corps déjà spirituels, ils cesseraient d’avoir des paroles humaines, elles deviendraient angéliques et célestes, semblables à celles que l’Apôtre entendit dans le paradis[1]. Et peut-être, ce qui fait dire à l’Apôtre que ces discours sont ineffables à l’homme c’est qu’entre autres récompenses réservées aux saints, ils parleront des langues qu’il n’est pas permis de parler sur la terre, et qui ne conviennent qu’à l’état immortel et glorieux de ceux dont il a été dit : « Ils crieront et chanteront un hymne[2] ; » ce sera, sans aucun doute, dans le ciel ; ils s’y trouveront avec le Seigneur, se délectant dans l’abondance de la paix, pleins de joie en présence du trône, mettant aux pieds de l’Agneau les coupes et les couronnes, lui chantant un nouveau cantique, réunis aux chœurs des Anges, des Vertus, des Dominations, des Trônes, chantant sans cesse avec les Chérubins et les Séraphins et avec les quatre animaux de l’Apocalypse : « Saint, Saint, Saint, le Seigneur Dieu des armées[3], » et le reste, que vous connaissez.

7. Voilà sur quoi je vous prie de me dire ce que vous savez ou ce que vous pensez, voilà ce que je vous demande, moi pauvre et misérable, moi votre petit enfant que vous avez coutume de supporter, vous le vrai sage ; car je sais que celui qui est la source de la sagesse et le guide des sages vous illumine par un esprit révélateur, et, de même que vous avez connu le passé et que vous voyez le présent, vous jugez aussi de l’avenir. Que pensez-vous de ces voix éternelles des créatures célestes et même de celles qui vivent au-dessus des cieux, en présente du Très-Haut ? Quels sont les organes de ces voix qui ne se taisent jamais ? En disant « Si je parlais les langues des anges[4], » l’Apôtre, a laissé croire qu’il s’agit ici d’un certain langage propre à leur nature, ou, si j’ose ainsi m’exprimer, à leur nation, et qu’il est aussi au-dessus des paroles et des pensées humaines que la nature et la demeure des anges sont au-dessus de notre condition mortelle et de la terre que nous habitons ; cependant peut-être entend-il par langues des anges des variétés de sons et de discours, comme, au sujet de la diversité des grâces, il cite le don des langues[5], ce qui signifie la faculté de parler clans la langue de beaucoup de nations. Mais les nombreux exemples de la voix de Dieu, partie de la nue pour être entendue de saints personnages, prouvent qu’il peut exister un langage sans qu’on ait besoin d’une langue, de cet organe à la fois si petit et si grand. Ç’est peut-être aussi parce que Dieu a fait de ce membre l’organe de la voix, qu’il a appelé langue les paroles et les voix des créatures incorporelles, comme sont les anges : c’est ainsi que l’Écriture a coutume de désigner par des noms de membres, les diverses opérations divines. Priez pour nous, et instruisez-nous.

8. Notre très-cher et très-doux frère Quintes est aussi pressé de nous quitter pour retourner vers vous, qu’il l’était peu de vous quitter pour venir vers nous ; cette lettre, où se trouvent plus de ratures que de lignes, vous dit assez le peu de temps qu’il nous a donné pour vous répondre ; la trop grande hâte du porteur nous a obligé d’écrire vite. C’est la veille des ides de mai qu’il est venu nous demander notre réponse, et il est parti le jour des ides, avant sexte. Voyez si le témoignage que je lui rends ici le recommande ou l’accuse ; on jugera, sans doute, plus digne d’éloge que de blâme celui qui s’est hâté de retourner vers sa lumière et de s’éloigner des ténèbres, car nous ne sommes, quant à nous, que ténèbres en comparaison des clartés qui rayonnent eu vous.


LETTRE XCV.


(A la fin de l’année 408.)

Dans cette lettre confiée à Possidius qui partait polir l’Italie, saint Augustin touche avec profondeur au gouvernement des âmes, à l’utilité des peines infligées aux coupables, et laisse voir à cet égard les anxiétés de sa conscience de pasteur. On admirera sa réserve, même dans la vérité, s’il se trouve en présence de chrétiens qui ne puissent pas l’entendre tout entière, il dit à saint Paulin dans quel esprit il t’avait interrogé sur la vie future, indique ce qu’il sait avec certitude, demande à être instruit de ce qu’il ignore, et expose ses pensées sur les corps après la résurrection et sur la question de savoir si les anges ont des corps.

AUGUSTIN A SES CHERS ET BIEN AIMÉS SEIGNEURS, SES SAINTS, DÉSIRABLES ET VÉNÉRABLES FRÈRES, PAULIN ET THERASIE, SES CONDISCIPLES SOUS LE MAITRE JÉSUS, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

1. Nos frères et intimes amis, à qui vous aviez coutume d’adresser en même temps qu’à nous lus témoignages d’affection et les saluts que vous en aviez reçus, votes voient maintenant d’une manière assidue : c’est moins pour nous un accroissement de bonheur qu’une

  1. II Cor. XII, 4.
  2. Ps. LXIV, 14.
  3. Isaïe, VI, 3 ; Apoc. IV, 8-10.
  4. I Cor. XIII, 1.
  5. I Cor. XII, 10, 23