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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/175

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pourra votre éminente vigilance pour les membres du Christ soumis à une très-rude épreuve ; je vous le demande, je vous en prie, je vous en conjure. Ce n’est pas, dans nos maux, une petite consolation que le Seigneur nous ait offerte, en voulant que vous ayez en ce moment plus de crédit que vous n’en aviez, lorsque déjà nous nous réjouissions de tant de bonnes et grandes œuvres parties de votre charité.

4. Nous avons à nous féliciter de la foi solide et durable de beaucoup d’hommes convertis à la religion chrétienne ou à la paix catholique, sous l’empire de ces lois ; nous ne craignons pas de nous exposer aux périls de cette vie temporelle pour leur salut éternel ; c’est pourquoi nous avons à supporter les haines agressives de ceux qui demeurent opiniâtrement mauvais ; quelques-uns des convertis les supportent patiemment avec nous ; mais nous redoutons leur faiblesse, jusqu’à ce qu’ils sachent et puissent mépriser courageusement le monde et tout ce qui ne dure qu’un jour, avec l’aide de la très-miséricordieuse grâce du Seigneur. J’ai envoyé un mémoire à mes frères les évêques ; si, comme je le pense, ils ne sont pas encore auprès de vous, que Votre Excellence leur remette ce mémoire à leur arrivée. Telle est, en effet, notre confiance dans la sincérité de votre dévoûment, que, le Seigneur notre Dieu aidant, nous voulons non-seulement avoir votre appui, mais encore vos conseils. 

LETTRE XCVIII.


(A la fin de l’année 389.)

L’évêque Boniface, probablement le même dont il est parlé dans les deux précédentes lettres, avait adressé à saint Augustin d’importantes et curieuses questions sur le baptême des enfants ; le grand évêque y répond. Il y a dans un passage de cette lettre des expressions sur l’Eucharistie dont les protestants ont abusé, et qu’il nous a paru utile d’expliquer. On lira la note.

AUGUSTIN A BONIFACE, SON COLLÈGUE DANS L’ÉPISCOPAT, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

1. Vous me demandez « si les parents nuisent à leurs enfants baptisés, quand ils cherchent à les guérir par les sacrifices des démons. Et s’ils ne leur nuisent pas, comment la foi des parents peut-elle profiter aux enfants dans le baptême, puisque leur infidélité ne leur fait aucun tort ? » Je réponds que telle, est, dans la sainte union avec le corps du Christ, la vertu du sacrement de baptême, que, celui qui a été engendré par la chair, une fois régénéré par la volonté spirituelle, ne saurait être enchaîné à l’iniquité d’autrui, tant que sa propre volonté y demeure étrangère. « L’âme du père est à moi, dit le Seigneur, et l’âme du fils est à moi. Mais c’est l’âme qui aura péché qui mourra[1]. » Or, elle ne pèche point lorsque, sans qu’elle le sache, ses parents ou tout autre lui appliquent les sacrifices du démon. Si elle a tiré d’Adam la faute que le baptême efface, c’est qu’alors elle n’avait pas une vie à part ; elle n’était pas une âme distincte dont le Seigneur pût dire : « L’âme du père est à moi, et l’âme du fils est à moi. » Ainsi donc, lorsqu’un homme, par son existence propre, devient différent de celui qui l’a engendré, il n’est pas souillé par le péché d’autrui auquel il n’aura donné aucun consentement ; et il a hérité du péché d’Adam parce qu’à l’époque de ce péché, il ne faisait qu’un avec celui et en celui qui l’a commis. Mais il ne contracte aucune souillure par la faute d’un autre, du moment qu’il a sa vie propre et qu’on peut dire : « C’est l’âme qui aura péché qui mourra. »

2. Or, la régénération par la volonté d’autrui, au profit de l’enfant qu’on présente, est uniquement l’œuvre de l’Esprit qui est le principe de cette régénération. Car il n’a pas été écrit qu’il faut renaître par la volonté des parents ou par la foi de ceux gui présentent au baptême ou de ceux qui l’administrent, mais par l’eau et l’Esprit-Saint[2]. C’est pourquoi l’homme, né du seul Adam, est régénéré dans le Christ seul par l’eau, qui forme le signe extérieur de la grâce, et par l’Esprit, qui la produit intérieurement en brisant les liens du péché, en réconciliant avec Dieu ce qu’il y a de bon dans notre nature. L’action divine de l’Esprit régénérateur est donc commune aux parents qui présentent et à l’enfant qui est présenté, et c’est cette société dans un seul et même Esprit qui rend profitable à l’enfant la volonté des parents. Mais quand ceux-ci pèchent à l’égard de leur enfant en l’offrant aux démons et en cherchant à l’assujettir à des liens sacrilèges, il n’y a pas là une âme commune, et dès lors la faute ne saurait l’être. Car une faute ne se communique point par la volonté d’un autre, comme la grâce se communique par l’unité de l’Esprit-Saint. Il peut demeurer

  1. Ezéch. XVIII, 4.
  2. Jean, III, 5.