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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/177

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lui et en lui, et qu’il a une existence propre, sa chair et son âme, « c’est l’âme qui aura péché qui mourra. »

5. Il y a des gens qui présentent des enfants au baptême, non point pour leur procurer la régénération spirituelle, mai, parce qu’ils espèrent par là leur faire conserver ou recouvrer la santé ; ne vous en inquiétez pas ; ce n’est pas ce défaut d’intention religieuse de leur part qui peut empêcher la régénération ; car on pratique avec leur concours les cérémonies nécessaires et on prononce les paroles sans lesquelles l’enfant ne serait pas baptisé ; et le divin Esprit qui habite dans les saints, dont l’ardente charité produit cette unique colombe argentée[1] du Psalmiste, fait ce qu’il fait par le ministère des ignorants comme des plus indignes. Les enfants sont moins présentés au baptême par ceux qui les portent dans leurs bras, tout bons chrétiens qu’ils soient, que par la société universelle des saints et des fidèles, car ils sont véritablement présentés par tous ceux à qui plaît cette présentation, et dont l’invisible charité les aide à recevoir le Saint-Esprit. Cela est donc l’ouvrage de toute l’Église, notre mère, qui est l’assemblée des saints ; toute l’Église nous enfante tous et chacun en particulier. Si le sacrement du baptême chrétien, qui est unique et indélébile, est valable et suffit, même chez les hérétiques, pour la consécration, quoiqu’il ne suffise pas pour parvenir à la vie éternelle (et toutefois, ainsi baptisé et coupable de porter le caractère du Seigneur en dehors du troupeau du divin Maître, l’hérétique peut être ramené à la vérité sans être consacré de nouveau) ; à plus forte raison, dans l’Église catholique, le froment, même porté par le ministère de la paille, sera purifié et réuni à la masse du bon grain sur l’aire.

6. Je ne veux pas que vous pensiez que le lien du péché originel ne saurait être brisé, à moins que les parents ne présentent les enfants pour recevoir la grâce du Christ, car vous dites que « la faute leur ayant été transmise « par les parents, c’est la foi des parents qui doit les justifier. » Car vous voyez que plusieurs ne sont pas présentés par les parents, mais par des étrangers quels qu’ils soient, comme quelquefois des fils d’esclaves sont présentés par les maîtres ; quelquefois aussi des enfants sont baptisés après la mort des parents, et ce sont les premiers venus, de pieuse volonté, qui leur rendent miséricordieusement ces bons offices. Parfois encore de cruels parents abandonnent leurs enfants à qui voudra les nourrir ; des vierges sacrées, qui n’ont pas été mères et ne songent pas à l’être, recueillent les petits délaissés et les présentent au baptême ; vous voyez s’accomplir ici ce qui est écrit dans l’Évangile, lorsque le Seigneur demande lequel s’est montré le prochain de l’homme blessé parles voleurs et laissé à demi mort sur le chemin ; on lui répond : « C’est celui qui a exercé miséricorde envers lui[2]. »

7. La question que vous avez réservée pour la fin, vous a paru d’une solution d’autant plus difficile que vous éprouvez un vif éloignement pour le mensonge. Vous me dites : « Si je vous amène un enfant et que je vous demande si en grandissant il sera chaste ou s’il ne sera pas voleur, sans doute vous me répondrez : je n’en sais rien. Vous me ferez la même réponse si je vous demande quelles sont les pensées bonnes ou mauvaises de cet enfant dans son premier âge. Donc si vous n’osez promettre rien de certain sur ses mœurs dans l’avenir ni sur ses pensées actuelles, pourquoi les parents, quand ils présentent des enfants au baptême, se portent-ils leurs garants et répondent-ils que ceux-ci font ce que leur âge ne peut comprendre, ou, s’il le petit, c’est d’une façon cachée ? En effet, nous interrogeons ceux qui nous présentent un enfant, et nous disons : Croit-il en Dieu? Au nom d’un âge qui ne sait pas s’il y a un Dieu, ils répondent qu’il croit en Dieu, et ainsi de suite pour chacune des questions. Aussi j’admire ces parents qui affirment avec confiance qu’à l’heure où l’enfant est baptisé il fait les grandes choses sur lesquelles interroge celui qui confère le sacrement ; et si, à la même heure, j’ajoutais : Celui qu’on baptise sera-t-il chaste, ou bien ne sera-t-il pas voleur ? je ne sais si on oserait me répondre que l’enfant sera ou ne sera pas cela, comme on me répond sans hésitation qu’il croit en Dieu et qu’il se convertit à Dieu. » Puis, en terminant, vous ajoutez ces mots : « Je demande  que vous daigniez répondre brièvement à ces questions, et que vous y répondiez non par l’autorité de la coutume, mais par l’autorité de la raison. »

  1. Ps. LXVII, 14. Cette colombe argentée dont parle le Psalmiste est une figure de l’Église.
  2. Luc, X, 37.