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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/179

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personnelle, le sacrement suffira pour le défendre contre les puissances ennemies ; et telle en est la vertu que si un enfant baptisé meurt avant l’âge de raison, il sera délivré, par la grâce du Christ et la charité de l’Église, de la condamnation entrée dans le monde à cause de la faute d’un seul homme[1]. Celui qui ne croit pas cela et qui juge que cela ne se peut, est infidèle, quoiqu’il ait le sacrement de la foi ; l’enfant vaut mieux que lui, et s’il n’a pas encore la foi dans sa pensée, du moins il ne lui oppose pas l’obstacle d’une pensée contraire, ce qui suffit pour recevoir avec fruit le sacrement.

J’ai répondu, je pense, à ces questions ; ce ne serait point assez pour de moins pénétrants et de plus contentieux que vous, c’est plus qu’il n’en faut peut-être pour ceux qui sont calmes et intelligents. Je ne vous ai pas répondu en m’appuyant sur la force de la coutume, mais je vous ai rendu raison, autant que je l’ai pu, d’une coutume très-salutaire. 

LETTRE XCIX.


(Année 408 ou, commencement de l’année 409)

Italica était une des pieuses dames romaines qui avaient, comme on sait, le bonheur de correspondre avec saint Augustin. La lettre suivante, qui lui est adressée, fut écrite sous le coup des sinistres bruits mêlés à la marche d’Alaric ; le grand évêque avait entendu parler, des malheurs de Rome et ne savait rien encore que par les vagues rumeurs répandues en Attique.

AUGUSTIN A LA TRÈS-RELIGIEUSE SERVANTE DE DIEU ITALICA, TRÈS-DIGNE DE SAINTES LOUANGES ENTRE LES MEMBRES DU CHRIST, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

1. Je vous écris cette lettre après en avoir reçu trois de votre bénignité : l’une qui me demandait une réponse, l’autre qui annonçait que cette réponse vous était parvenue, la troisième qui exprimait une bienveillante sollicitude pour nous, au sujet de la maison du jeune et illustre Julien, contiguë à nos propres murs. Au reçu de cette dernière lettre, je me hâte de vous écrire, parce que l’intendant de votre excellence m’a informé qu’il allait envoyer à Rome : nous regrettons beaucoup qu’il n’ait pas songé dans sa lettre à nous dire ce qui se passe à Rome ou autour de Rome, afin de savoir ce que nous devons croire des bruits apportés par la renommée. Les nouvelles que nous donnaient les précédentes lettres de nos frères, quelque inquiétantes qu’elles fussent, n’avaient pourtant rien de pareil à tout ce qui se dit en ce moment. Je m’étonne au delà de toute expression que nos saints frères les évêques ne nous aient pas écrit par une si bonne occasion que celle de vos gens, et que votre lettre elle-même ne nous fasse rien entendre de vos grandes tribulations ; car ces douleurs nous sont communes dans les entrailles de la charité. Peut-être n’avez-vous pas cru devoir faire ce que vous pensiez ne pouvoir servir de rien, et peut-être aussi n’avez-vous pas voulu nous affliger. Je pense cependant qu’il n’est pas inutile de connaître ces choses ; d’abord parce qu’il n’est pas juste de vouloir se réjouir avec ceux qui se réjouissent et de ne pas vouloir pleurer avec ceux qui pleurent[2] ; ensuite « parce que la tribulation produit la patience, la patience l’épreuve, l’épreuve l’espérance, et que l’espérance ne trompe point, parce que la charité de Dieu est répandue dans nos cactus par le Saint-Esprit qui nous a été donné[3]. »

2. C’est pourquoi à Dieu ne plaise que nous refusions d’entendre ce qui est triste et amer pour nos amis ! Je ne sais comment il se fait que ce qu’un membre souffre devient plus supportable, lorsque les autres membres souffrent avec lui[4] ; cet adoucissement du mal n’arrive point par la communauté du malheur qu’on éprouve, mais par le soulagement de la charité : c’est grâce à cette charité que ceux qui souffrent et ceux qui compatissent se trouvent réunis dans une tribulation commune, comme ils sont réunis clans la même épreuve, la même espérance, le même amour et le même esprit. Mais le Seigneur nous console tous ; il nous a annoncé ces maux du temps et nous a promis ensuite les biens de l’éternité ; celui qui veut être couronné après la bataille ne doit pas se laisser abattre pendant qu’il combat ; Dieu lui donnera des forces, Dieu qui réserve aux vainqueurs d’ineffables dons.

3. Que notre réponse ne vous ôte pas la pensée de nous écrire, d’autant plus que vous avez diminué nos craintes par des raisons qui ne sont pas improbables. Nous rendons le salut à vos petits enfants, et nous souhaitons qu’ils grandissent pour vous dans le Christ ; à ce premier âge, ils voient déjà ce qu’il y a de périlleux et die funeste dans l’attachement à ce

  1. Rom. V, 12.
  2. Rom. XII, 15.
  3. Rom. V, 3-5.
  4. II Cor. XII, 26.