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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/223

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abandonné. Seigneur, mon Dieu, inclinez à cause de vous-même votre oreille et écoutez moi ; ouvrez vos yeux, voyez notre désolation et la ruine de votre cité de Jérusalem, qui a eu la gloire de porter votre nom ; ce n’est point par confiance en notre justice que nous répandons nos prières en votre présence, mais par confiance dans la grandeur de votre miséricorde. Ecoutez-nous, Seigneur, pardonnez-nous, tournez-vous vers nous ; ne tardez pas à cause de vous, mon Dieu, parce que votre nom a été invoqué dans cette ville, parce que cette ville et ce peuple ont eu la gloire de le porter. – Et comme je parlais encore, et que je priais, et que j’énumérais a mes péchés et les péchés de mon peuple, etc.[1] » Voyez comme Daniel confesse d’abord ses péchés et ensuite les péchés de son peuple. Il loue la justice de Dieu et lui rend cet hommage que ce n’est pas injustement, mais à cause de leurs péchés que Dieu châtie ses saints eux-mêmes. Si tel a été le langage de ceux qui, par une sainteté rare, ont mérité que les flammes et les lions les respectassent, que nous faut-il donc dire dans notre humilité, nous qui sommes si loin de semblables modèles, quelques airs de justice que nous ayons ?

5. Mais si quelqu’un pensait que les serviteurs de Dieu, tués, ainsi que vous le dites, par les Barbares, auraient dû échapper à cette mort comme les trois jeunes hommes échappèrent aux flammes et Daniel aux lions ; qu’il sache que ces prodiges s’accomplirent afin de prouver aux rois que ces saints, condamnés par leurs ordres, adoraient le vrai Dieu. Cela était dans le jugement secret et dans la miséricorde de Dieu pour opérer ainsi le salut de ces rois. Il ne traita point de la même manière Antiochus, qui fit mourir cruellement les Machabées, mais leur glorieux martyre fut, pour ce prince au cœur dur, un plus sévère châtiment. Toutefois, lisez ce que dit l’un d’eux, celui qui périt le sixième : « Après celui-ci, ils mirent la main sur le sixième. Près de mourir au milieu des tourments, il dit : Ne te trompes pas à cause de nous ; nous souffrons ces choses, parce que nous avons péché contre Dieu, et nous subissons ce que nous avons mérité. Quant à toi, ne crois pas à ton impunité future, après avoir voulu, par tes décrets, combattre contre Dieu et sa loi[2] » Vous voyez avec quelle humilité et quelle vraie sagesse ces saints intrépides reconnaissaient que c’était à cause de leurs péchés que le Seigneur les châtiait, le Seigneur dont il est écrit : « Dieu châtie celui qu’il aime[3] ; il frappe ceux qu’il reçoit comme ses enfants[4] » ; ce qui fait dire à l’Apôtre : « Si nous nous jugions nous-mêmes, le Seigneur certainement ne nous jugerait pas. Lorsque c’est Dieu qui nous juge, il nous châtie, pour que nous ne soyons pas condamnés avec ce monde[5]. »

6. Lisez fidèlement, prêchez fidèlement ces choses, et, autant que vous le pouvez, prenez garde vous-même et empêchez de murmurer contre Dieu dans ces épreuves et ces tribulations. Vous dites que de bons, de fidèles et pieux serviteurs de Dieu ont péri sous le glaive des Barbares. Mais qu’importe que leur âme soit sortie de leur corps par le fer ou par la fièvre ? Le Seigneur ne considère point par quel genre de mort, mais en quel état ses serviteurs quittent ce monde pour aller à lui ; seulement, une longue maladie fait plus souffrir qu’une prompte mort. Nous lisons cependant une longue et terrible maladie soufferte par ce même Job, à la justice duquel Dieu, qui ne peut passe tromper, rend un si glorieux témoignage.

7. Il est assurément malheureux et lamentable que des femmes chastes et saintes soient captives ; mais leur Dieu n’est point captif et il n’abandonne pas dans la captivité celles qu’il reconnaît lui appartenir. Car ces saints, dont j’ai rappelé les souffrances et les humbles aveux, ont dit ce que Dieu a fait écrire et ce que nous devons lire, pour nous apprendre qu’il ne délaisse pas ses serviteurs quoiqu’ils soient captifs. Et qui sait si Dieu, dans sa toute-puissance et sa miséricorde, ne veut pas se servir de ces femmes, même sur une terre barbare, pour faire éclater ses merveilles ? Seulement ne cessez jamais de gémir pour elles devant Dieu ; informez-vous de ce qu’elles sont devenues, autant que vous le pourrez, autant que Dieu lui-même le permettra, selon les moments et les occasions, et cherchez à savoir quels soulagements elles pourraient recevoir de vous. Il y a peu d’années, les Barbares emmenèrent une religieuse du pays de Sétif, nièce de l’évêque Sévère ; et, par l’admirable miséricorde de Dieu, ils la rendirent à ses parents avec un grand honneur. La maison où elle était entrée captive avait été tout à coup visitée par la maladie ; et tous ces maîtres barbares, trois frères,

  1. Dan. IX, 20.
  2. II Machab. VII, 18, 19.
  3. Prov. III, 12.
  4. Hébr. XII, 6.
  5. I Cor. XI, 31, 32.