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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/227

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est innocent ou coupable ; qu’on n’oublie pas non plus que les lois n’ont pas été suivies à son égard quand on l’a ainsi enlevé, que contrairement à la prescription impériale, on ne l’a pas conduit devant l’autorité municipale pour y déclarer s’il voulait profiter du délai déterminé ; nous pourrons ainsi terminer l’affaire avec la partie adverse.

LETTRE CXVI.


(Année 410.)

Voici la petite lettre annoncée dans la précédente et qui recommande l’affaire de Faventius à l’équité du commandant consulaire de la Numidie.

AUGUSTIN A SON TRÈS-CHER FILS, L’ÉMINENT ET ILLUSTRE SEIGNEUR GÉNÉROSUS, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

Pénétré de l’affection que je dois à vos mérites et à votre bienveillance, j’ai toujours éprouvé un vif plaisir à entendre louer votre administration et à recueillir les bruits glorieux de votre renommée ; je n’ai pourtant jamais demandé aucun bienfait, ni fatigué votre Excellence de mes prières, bien-aimé seigneur et honorable fils. Mais, par la lettre que j’adresse à mon vénérable frère et collègue Fortunat, votre Grandeur verra ce qui s’est passé dans l’Église que je sers, votre bienveillance comprendra que j’ai été obligé d’ajouter ma requête au poids de vos occupations ; et vous ferez assurément ce qui convient à un juge non-seulement intègre, mais encore véritablement chrétien, animé envers nous des sentiments que nous devions supposer au nom de Jésus-Christ.


LETTRE CXVII.


(Année 410.)

Un homme comme saint Augustin, et qui avait la réputation d’être si bon, devait recevoir parfois des lettres étranges. En voici une d’un jeune Grec qui, au moment de partir d’Afrique pour s’en aller en Orient, demande très-sérieusement et sans beaucoup de façon à l’évêque d’Hippone de lui expliquer certains passages difficiles de Cicéron. Mais nous ne nous plaignons pas de la confiante témérité du jeune Dioscore, car elle nous a valu une des plus belles et des plus intéressantes lettres de saint Augustin.

Tout préambule avec vous est non-seulement inutile, mais encore importun ; vous ne voulez pas des paroles, mais la chose même. Ecoutez donc ceci tout simplement. J’avais prié le vénérable Alype et il m’avait souvent promis de répondre avec vous à de petites questions tirées des dialogues de Cicéron ; on me dit qu’il est encore aujourd’hui dans la Mauritanie. Je vous demande donc et vous supplie de toutes mes forces d’y répondre tout seul, ce que vous auriez fait sans doute quand même votre frère eût été là. Je ne vous demande ni argent ni or ; vous en donneriez certainement pour qui que ce fût si vous en aviez ; ce que je cherche ne vous coûtera aucun effort. Je pourrais vous prier davantage et me faire appuyer auprès de vous par plusieurs de vos amis ; mais je connais votre cœur, vous n’aimez pas qu’on vous prie, vous donnez à tous, pourvu qu’on ne vous demande rien qui ne convienne ; et ici rien absolument d’inconvenant ; mais quoi qu’il en soit, accordez-moi ce que je désire, car je suis sur le point de m’embarquer. Vous savez qu’il me serait extrêmement pénible d’être à charge, non-seulement à votre sincérité, mais à qui que ce soit. Dieu seul sait par quelle pressante nécessité j’ai été poussé à cette démarche. Car je vais partir en vous souhaitant la santé et en implorant la protection de Dieu. Vous connaissez les hommes, ils sont portés au blâme ; si on est interrogé et qu’on réponde mal, on passe pour ignorant et borné. Je vous en conjure donc, répondez à tout sans retard ; ne me laissez pas partir avec de tristes regrets. Ainsi puisse-je revoir mes parents ! j’ai envoyé Cerdon uniquement pour cela et je n’attends plus que son retour. Mon frère Zénobe a été fait maître de mémoire[1] ; il nous a envoyé l’autorisation de prendre passage et des vivres. Si je ne suis pas digne que vous vous hâtiez de répondre à mes petites questions, craignez au moins qu’un retard ne compromette les provisions. Que le Dieu souverain vous conserve pour nous la santé pendant de longs jours ! Papas, salue avec respect Votre Révérence.


LETTRE CXVIII.


(Année 401.)

Cette réponse si curieuse et si forte, si savante et si profonde, est un monument du génie de saint Augustin. C’est un monument pour l’histoire des lettres et l’histoire de la philosophie. Saint Augustin, malade, était allé chercher un peu de repos dans le voisinage d’Hippone ; il écrivit, entre deux accès de fièvre, cette lettre où il creuse tout, où il répond à tout, et où abondent les plus intéressants détails. Dioscore avait mis à l’épreuve la patiente charité de saint Augustin ; cette charité se révèle ici avec une inspiration attachante et supérieure.

RÉPONSE A DIOSCORE.

1. Vous avez jugé à propos de m’assiéger ou plutôt de m’accabler d’une multitude innombrable

  1. La charge de Maître de mémoire avait de l’importance à la cour impériale. Elle représentait, mais avec dès attributions plus étendues, ce que nous appellerions aujourd’hui l’emploi de secrétaire des commandements.