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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/226

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LETTRE CXIV.


(Année 410.)

Nouveau témoignage de la sollicitude de l’évêque d’Hippone pour le malheureux dont il est parlé dans la lettre précédente. Ce Florentin, auquel il s’adresse ici, est le même dont il est question dans la CXVe lettre.

AUGUSTIN A SON CHER SEIGNEUR ET FILS FLORENTIN, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

C’est à vous à savoir par quels ordres vous avez enlevé Faventius ; quant à moi je sais une chose, c’est que toute autorité constituée dans l’empire doit obéir aux lois de l’empereur. Je vous ai fait remettre par Célestin, mon frère et collègue dans le sacerdoce, un texte de loi que vous auriez dû connaître avant que je vous l’eusse envoyé ; la loi permet à tous ceux qui sont dans le cas d’être jugés, de déclarer devant l’autorité municipale s’ils veulent un délai de trente jours dans la ville où ils sont détenus pour mettre ordre à leurs affaires et rassembler leurs ressources, et cela sous une surveillance qui n’ait rien de rigoureux. Cette loi a été lue à votre religion, ainsi que me l’a rapporté le prêtre dont j’ai plus haut prononcé le nom ; toutefois je vous la transmets encore avec ma lettre. Je ne vous adresse pas une menace, mais une prière ; c’est une démarche d’humanité en faveur d’un homme, c’est l’accomplissement d’un devoir épiscopal de miséricorde. Autant donc que me le permettent l’humanité et la piété, je vous supplie, seigneur, mon fils, d’avoir égard à ce que commande votre réputation et à mes instances ; que mon intervention et mes supplications vous déterminent aussi à faire ce qu’ordonne la loi de l’empereur au service duquel vous appartenez. 

LETTRE CXV.


(Année 410.)

Il s’agit encore une fois ici de la même affaire ; saint Augustin, s’adressant à son vénérable collègue de Cirta ou Constantine, donne quelques détails sur l’homme dont la position le préoccupe, et cherche à s’assurer l’équité de juges qu’il ne suppose pas incorruptibles.

AUGUSTIN A SON BIENHEUREUX, VÉNÉRABLE ET CHER SEIGNEUR FORTUNAT, SON FRÈRE ET COLLÈGUE DANS L’ÉPISCOPAT ET A TOUS LES FRÈRES QUI SONT AVEC LUI, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

Votre sainteté connaît bien Faventius, qui a été fermier de Bois Parati[1]. Il redoutait je ne sais quoi de la part du maître de ce domaine, et a cherché un refuge dans l’Église d’Hippone ; il était là comme ceux qui ont recours au droit d’asile, attendant l’arrangement de son affaire par notre intercession. Comme il arrive souvent, Faventius prit moins de précautions de jour en jour et croyait n’avoir rien à craindre de la partie adverse ; tout à coup, sortant de souper chez un ami, il fut enlevé par un certain Florentin, officier du comte, assisté d’hommes armés en nombre suffisant pour ce coup de main. Lorsque j’eus appris cela et qu’on ignorait encore de quel côté était parti le coup, mon soupçon tomba pourtant sur celui que Faventius avait cru devoir fuir en se confiant à la protection de l’Église ; j’envoyai aussitôt vers le tribun, préposé à la garde des côtes. Il mit des soldats en campagne ; on ne put trouver personne. Mais le lendemain matin nous sûmes dans quelle maison avait été conduit Faventius, et nous sûmes aussi que celui qui le tenait était parti avec lui après le chant du coq. J’envoyai encore là où l’on disait qu’il avait été emmené ; on y trouva l’officier qui avait mis la main sur lui ; le prêtre qui se présentait de ma part ne put jamais obtenir de cet officier la permission de voir au moins le prisonnier. Le jour suivant, j’écrivis à Florentin, lui demandant d’accorder à Faventius le bénéfice de la loi impériale ; c’est la facilité donnée à ceux qui sont cités en justice de rester trente jours dans une ville sous une surveillance qui n’a rien de rigoureux, pour mettre ordre à leurs affaires et se mettre en mesure ; je pensais que, pendant cet espace de temps, nous pourrions peut-être arranger à l’amiable l’affaire de Faventius. Maintenant, l’officier Florentin l’a fait partir avec lui ; je crains que s’il l’a conduit devant le commandant consulaire, il n’arrive malheur au prisonnier. On vante l’intégrité du juge, mais Faventius a affaire à un homme riche, et pour empêcher que l’argent ne l’emporte, je prie votre sainteté, cher seigneur et vénérable frère, de remettre la lettre ci-jointe à notre cher et honorable commandant consulaire et de lui lire celle-ci, car je n’ai pas cru nécessaire de raconter deux fois les mêmes faits. Je désire que le jugement de Faventius soit retardé, parce que je ne sais pas encore s’il

  1. Saltus parataniensis. Ce lieu était la limite du diocèse d’Hippone au nord-ouest.