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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/574

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son temps, » mais il ne dit pas quand cela doit venir. Il ajoute : « Le mystère d’iniquité se forme dès à présent. » Il y a différentes manières d’entendre ce mystère d’iniquité ; mais sa durée, c’est ce que nous ne savons pas. L’Apôtre ne nous l’apprend point, car il est un de ceux à qui il a été dit : « Ce n’est pas à vous à savoir les temps. » Il est vrai qu’il n’était pas encore au nombre des apôtres quand cette parole leur fut dite ; mais pourtant nous ne doutons pas qu’il appartienne à leur collège et société.

11. On lit ensuite : « Seulement que celui qui tient présentement tienne jusqu’à ce qu’il soit enlevé : et alors paraîtra cet impie que le Seigneur Jésus tuera par le souffle de sa bouche. » Ces paroles ont trait à l’apparition de l’antéchrist. Il semble plus clairement marqué quand il est dit de lui qu’il sera tué par le souffle de la bouche du Seigneur Jésus-Christ ; mais, pour ce qui est de l’époque de cette apparition, l’Apôtre n’en dit rien pas même obscurément. Chacun peut faire effort pour découvrir ou pour conjecturer quel est celui qui tient présentement ou ce qu’il tient et ce que signifie : jusqu’à ce qu’il soit enlevé mais il n’est pas dit combien de temps il tiendra ni après combien de temps il sera enlevé.

12. Vous nous dites aussi que le Seigneur, dans l’Évangile, blâme les juifs lorsqu’il adresse ces paroles à l’ingrate Jérusalem : « Si du moins tu avais connu le temps où Dieu t’a visitée ; peut-être resterais-tu debout. Mais maintenant tout est caché à tes yeux.[1] » Ces paroles regardent le premier avènement du Seigneur, et non pas le second dont il s’agit ici. C’est de ce second avènement et non point du premier que le Sauveur a voulu parler lorsqu’il a dit : « Ce n’est pas à vous à savoir les temps : » car les disciples interrogeaient le Seigneur sur l’avènement qu’ils espéraient et non pas sur celui qu’ils voyaient déjà. Si les juifs avaient connu ce premier avènement, « ils n’auraient jamais crucifié le Seigneur de gloire[2] ; » c’est pourquoi ils auraient pu subsister, au lieu d’être frappés de coups si terribles. Ces mots : « Faites pénitence, les temps sont accomplis, croyez à l’Évangile[3] ; » ces mots, d’après ce que vous dites vous-même, s’appliquaient aux juifs et à des temps qui devaient peu durer ; nous savons que ces temps sont passés, c’est-à-dire que nous savons la destruction de Jérusalem où était établi le royaume des juifs.

13. Aussi, votre révérence, vous dites que ceux qui comprennent l’Écriture savent ce que veut dire le prophète Daniel lorsqu’il parle de « la bête tuée, du règne des autres bêtes, » et, au milieu de ces choses, de la venue du Fils de l’homme sur les nuées du ciel. Mais si vous daignez nous expliquer comment ces choses appartiennent à la connaissance du temps qui doit s’écouler d’ici à l’avènement du Sauveur et comment on peut en connaître clairement la durée ; j’avouerai moi-même avec de grandes actions de grâces que ces paroles du Seigneur : « Ce n’est pas à vous à savoir les temps, » s’adressaient uniquement aux apôtres et non point à ceux qui devaient venir après eux et à qui la révélation de ce secret avait été réservée.

14. Il faut donc aimer et attendre l’avènement du Seigneur, comme vous nous y exhortez saintement. Vous parlez du grand bonheur promis à ceux qui aiment l’avènement de Jésus-Christ, et vous invoquez le témoignage de l’Apôtre, dont vous rapportez ainsi les paroles : « Il ne me reste qu’à attendre la couronne de justice qui m’est réservée et que le Seigneur, qui est le juste juge, me donnera en ce jour : et non-seulement à moi, mais encore à ceux qui aiment l’avènement du Seigneur[4]. » Car alors, comme vous le rappelez d’après l’Évangile, « les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père[5] ; » et comme dit le Prophète : « Voilà que la nuit et les ténèbres couvriront la terre par-dessus les nations ; mais en vous apparaîtra le Seigneur, et sa majesté se verra sur vous[6] ; » alors aussi « Ceux qui attendent le Seigneur bondiront avec vigueur ; ils déploieront leurs ailes comme les aigles, ils courront et ne se lasseront pas, ils marcheront et n’auront pas faim. »

15. Voilà ce que vous nous dites pieusement et en toute vérité pour marquer le bonheur de ceux qui aiment l’avènement du Seigneur. Mais ceux à qui l’Apôtre disait de ne pas se troubler comme si le jour du Seigneur était proche aimaient aussi l’avènement du Seigneur ; en leur parlant de la sorte, le Docteur des nations ne voulait pas les séparer de cet amour, mais l’allumer au contraire plus

  1. Luc, XIX, 42.
  2. I Cor. II, 8.
  3. I Cor. II, 8.
  4. II Tim. IV, 8.
  5. Matt. XIII, 43.
  6. Is. LX, 2.