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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/217

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marchons, voici que s’approche celui qui doit me livrer. »

11. Saint Marc nous présente à peu près le même récit, avec cette simple différence que quelquefois il est plus court et quelquefois plus long, tout en exprimant les mêmes pensées. Remarquons cependant que saint Matthieu semble en contradiction avec lui-même, quand après la troisième prière, il met ces paroles sur les lèvres du Sauveur : « Dormez maintenant et prenez du repos ! Voici que l’heure approche, et le Fils de l’homme va être livré entre les mains des pécheurs. Levez-vous, marchons ; voici que s’approche celui qui doit me livrer. » Pourquoi ces paroles : « Dormez maintenant et prenez du repos », suivies immédiatement de ces autres : « Voici que l’heure approche, levez-vous, marchons ? » Sous le coup de cette apparente contradiction, le lecteur s’efforce de donner à ces mots : « Dormez maintenant et prenez du repos », le ton du reproche et non celui d’une véritable permission. À la rigueur, sans doute, on pourrait accepter cette interprétation. Mais si l’on observe que saint Marc, après ces paroles : « Dormez maintenant et prenez du repos », ajoute : « Cela suffit », pour reprendre ensuite : « Voici l’heure qui approche, où le Fils de l’homme sera livré », on conclut naturellement qu’après ces mots : « Dormez maintenant et prenez du repos », le Seigneur garda le silence pendant quelque temps, afin de laisser faire ce qu’il avait permis ; ce n’est qu’après cela qu’il ajouta : « Voici que l’heure approche. » C’est ce qui nous explique ce mot de saint Marc : « Cela suffit », c’est-à-dire le repos que vous venez de prendre est suffisant. Néanmoins, comme il n’est fait aucune mention du silence gardé pendant quelque temps par Jésus-Christ, on s’efforce d’aider l’intelligence, par une prononciation particulière donnée au texte.

12. Saint Luc ne parle pas de la réitération de la prière ; mais il mentionne des détails qui ont été passés sous silence par les autres évangélistes : ainsi le secours apporté au Sauveur par l’Ange, la sueur de sang dont les gouttes, découlaient jusqu’à terre. Il se contente donc de dire : « Quand il se fut relevé de sa prière et qu’il fut arrivé auprès de ses disciples », sans dire après laquelle de ses prières. Cependant son récit n’est nullement en contradiction avec les deux précédents. Quant à saint Jean, il nous raconte, il est vrai, l’entrée du Sauveur et de ses disciples dans le jardin ; mais il ne dit absolument rien de ce qui s’y passa jusqu’au moment où arriva le traître avec les Juifs pour se saisir de sa personne.

13. Les trois évangélistes ont donc raconté ce même événement, avec autant de conformité et d’accord qu’il serait possible à un seul homme d’en mettre, s’il avait trois fois à faire le même récit, en y mêlant toutefois quelque variété. Saint Luc nous précise la distance à laquelle le Sauveur s’éloigna de ses disciples : « à la distance d’un jet de pierre. » Saint Marc parle d’abord en son nom de la prière du Sauveur et dit qu’il demanda : « que s’il était possible l’heure passât loin de lui ; » c’est l’heure de sa passion, qu’il désigne bientôt sous le nom de calice. Il met ensuite dans la bouche du Seigneur les paroles suivantes : « Abba, mon Père, tout vous est possible, éloignez de moi ce calice. » En rapprochant ces expressions des expressions employées par les deux autres évangélistes, et par saint Marc lui-même, parlant en son propre nom, on aura le texte suivant : « Mon Père, si c’est possible, or tout vous est possible, éloignez de moi ce calice : » Afin qu’on ne pût avoir même la pensée qu’il diminuât la puissance de son Père, il ne dit pas : si vous pouvez, mais : « si cela est possible », ce qui revient à dire : « si vous voulez », car ce que Dieu veut, est possible. Saint Marc s’est chargé lui-même de nous donner l’explication de ces mots : « Si cela est possible », quand il ajoute : « Or tout vous est possible. » Enfin ces autres paroles : « Cependant, qu’il advienne, non ce que je veux, « mais ce que vous voulez », ou en d’autres termes : « Que votre volonté se fasse et non la mienne », nous indiquent clairement que ces mots : « si cela est possible », s’appliquent, non pas à une impossibilité réelle, mais uniquement à la volonté de son Père. Aussi saint Luc est plus explicite encore, car il met uniquement sur les lèvres du Sauveur ces paroles : « Mon Père, si vous voulez. » Rapprochons ces mots du texte de saint Marc, et nous aurons : « Mon Père, si vous voulez, car tout vous est possible, éloignez de moi ce calice. »

14. Saint Marc ne se contente pas du mot Mon Père », il y ajoute le mot Abba, qui, en hébreu, a absolument la même signification. Peut-être que pour indiquer un profond mystère, le Sauveur a en effet prononcé ces deux mots. Il aurait voulu nous faire comprendre, qu’en se