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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/230

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nous font conclure que Jésus portait lui-même sa croix quand il se dirigea vers cette montagne. Ce fut seulement en chemin que l’on mit en réquisition ce Simon, dont le nom nous est cité par trois évangélistes, et qu’on le chargea de porter la croix jusqu’au lieu désigné. C’est ainsi que tout se concilie parfaitement ; Jésus porta d’abord seul sa croix, comme le rapporte saint Jean ; puis il fut aidé par Simon de Cyrène, comme nous le racontent les autres évangélistes.

CHAPITRE XI. DU BREUVAGE DONNÉ A JÉSUS.

38. Saint Matthieu continue : « Ils arrivèrent à un lieu appelé Golgotha, c’est-à-dire le Calvaire. » Il n’y a aucune différence dans la désignation de ce lieu ; nous lisons ensuite : « Ils lui donnèrent à boire du vin mêlé de fiel. Mais quand il en eut goûté, il ne voulut point en boire[1]. » D’après saint Marc : « Ils lui donnaient à boire du vin mêlé de myrrhe et il n’en voulut point[2]. » Le texte de saint Matthieu a la même signification ; car le mot fiel désigne ici quelque chose de très-amer, et cette amertume est le caractère du vin mêlé de myrrhe. Il peut se faire cependant que le fiel et la myrrhe aient été mêlés pour rendre le vin très-amer. Ce mot de saint Marc : « Il ne le voulut pas », doit s’entendre dans ce sens que Jésus refusa de le boire. Il goûta néanmoins, selon le témoignage de saint Matthieu ; mais il ne voulut point le prendre. Saint Marc sans nous dire qu’il ait goûté, affirme seulement qu’il ne voulut point le recevoir.

CHAPITRE XII. DU PARTAGE DES VÊTEMENTS.

39. « Or, dit saint Matthieu, après qu’ils l’eurent crucifié, ils partagèrent ses vêtements au moyen du sort, et s’étant assis, ils le gardaient[3]. Et le crucifiant, dit saint Marc, ils partagèrent ses vêtements et firent la part à chacun au moyen du sort[4]. – Ils partagèrent ses vêtements, dit saint Luc, et les tirèrent au sort, et le peuple les regardait[5]. » Ce fait ne nous est raconté que brièvement par ces trois évangélistes ; saint Jean est plus explicite : « Après, dit-il, qu’ils l’eurent crucifié, les soldats prirent ses vêtements et en firent quatre parts, une pour chacun d’eux. Ils prirent aussi la tunique ; mais comme elle était sans couture et d’un seul tissu du haut en bas, ils se dirent entre eux : Ne la divisons pas, mais tirons au sort à qui de nous l’aura. C’est ainsi que s’accomplit la parole de l’Écriture : Ils se sont partagé mes vêtements et ils ont tiré ma robe au sort[6]. »

CHAPITRE XIII. DE L’HEURE DE LA PASSION.

40. « Ils mirent aussi sur sa tête, dit saint Matthieu, la cause écrite de sa condamnation : Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs[7]. » Saint Marc, immédiatement après avoir parlé du partage des vêtements, ajoute : « Or, on était à la troisième heure et ils le crucifièrent[8]. » A moins de s’exposer à une grave erreur, on doit étudier ce texte avec une attention sérieuse. En effet, certains auteurs veulent que ce soit à la troisième heure que Jésus ait été crucifié ; et comme les ténèbres se répandirent sur la terre depuis la sixième jusqu’à.la neuvième, trois heures se seraient écoulées depuis le crucifiement jusqu’à la diffusion des ténèbres. On pourrait, à la rigueur, adopter cette opinion, si saint Jean ne disait formellement qu’à la sixième heure Pilate s’assit sur son tribunal, dans le lieu appelé Lithostrotos, en hébreu Gabbatha. Voici ses paroles : « Or, on était à la veille de Pâque, vers la sixième heure, et Pilate dit aux Juifs : Voilà votre roi. Et les Juifs s’écriaient : Enlève, enlève-le, crucifie-le. Pilate leur dit. Que je crucifie votre roi ? Les pontifes répondirent : Nous n’avons pas d’autre roi que César. Alors il le leur livra pour le crucifier[9]. » Si donc c’est à la sixième heure que Pilate, assis sur son tribunal, livra Jésus-Christ aux Juifs pour le crucifier, comment le Sauveur a-t-il pu être crucifié à la troisième heure, comme l’ont pensé quelques auteurs, en s’appuyant sur un texte mal compris, de l’évangéliste saint Marc ?

41. Voyons d’abord à quelle heure le crucifiement a pu avoir lieu ; ensuite nous dirons pourquoi saint Marc le met à la troisième heure. Il était environ la sixième heure, quand Pilate assis sur son tribunal prononça la sentence. On dit qu’il était environ la sixième heure, c’est-à-dire que la cinquième était passée et la sixième seulement commencée. Jamais les écrivains sacrés

  1. Mat. 27, 33-34
  2. Mrc. 15, 23
  3. Mat. 27, 35-36
  4. Mrc. 15, 24
  5. Luc. 23, 34,35
  6. Jn. 19, 23-24
  7. Mat. 27, 37
  8. Mrc. 15, 25
  9. Jn. 19, 13-16