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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/259

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en représenter par écrit toute la suite, afin que tu reconnaisses la vérité de ce qui a été annoncé[1]. » Ce début ne fait pas, à `proprement parler, partie de l’Évangile. Cependant il suffit pour nous faire conclure que c’est ce même saint Luc qui a écrit un autre livre sacré, les Actes des Apôtres. Cette conclusion toutefois ne découle pas uniquement de ce que nous y trouvons écrit le même nom de Théophile ; car il aurait pu se faire qu’il y eût un autre Théophile, ou que s’il est le même dans les deux ouvrages : il les eût reçus de deux auteurs différents ; la principale raison vient du début même du livre des Actes : « J’ai écrit, ô Théophile, ce que Jésus a fait et enseigné jusqu’au jour où il ordonna aux Apôtres qu’il avait choisis par le Saint-Esprit, de prêcher l’Évangile[2]. » Ces paroles prouvent évidemment que saint Luc avait déjà écrit un des quatre Évangiles dont l’autorité est si haute aux yeux de l’Église. Si cet auteur dit ensuite qu’il a parlé de tout ce que Jésus a fait et enseigné jusqu’à ce jour où il a chargé les Apôtres de prêcher l’Évangile, assurément il ne veut pas nous faire croire qu’il a rapporté absolument toutes les actions et toutes les paroles du Sauveur, car ce serait démentir saint Jean. Celui-ci affirme, en effet, que si tout ce qu’a fait et dit le Seigneur était écrit dans des livres ces livres rempliraient le monde tout entier[3]. D’ailleurs nous trouvons dans les autres évangélistes des détails que saint Luc a passés sous silence. Il a donc parlé de tout, c’est-à-dire qu’il a choisi dans toutes ces actions et toutes ces paroles ce qui lui a paru convenable et suffisant pour remplir le ministère qui lui était confié. Il ajoute que « plusieurs ont entrepris d’écrire l’histoire des événements qui se sont accomplis parmi nous ; » par là, il fait allusion à ceux qui ayant commencé ce travail, n’ont pu le mener à terme ; il dit encore : « J’ai cru à mon tour écrire avec soin, parce, que plusieurs ont essayé ; etc », ces derniers sont ceux qui ne jouissent dans l’Église d’aucune autorité, parce qu’ils n’ont pu atteindre le but qu’ils avaient en vue. D’un autre côté saint Luc ne s’est pas contenté de conduire sa narration jusqu’à la résurrection et l’ascension du Sauveur, ce qui pourtant lui aurait déjà mérité de prendre place parmi les Évangélistes ; il a encore raconté les Actes des Apôtres, ou au moins parmi ces actes, ce qu’il a cru devoir suffire pour affermir la foi des lecteurs ou des auditeurs ; et maintenant son travail est le seul qui fasse autorité dans l’Église en ce qui concerne les Actes des Apôtres ; on a rejeté comme ne méritant aucune confiance tous les autres récits que l’on a osé entreprendre sur le même sujet. Enfin quand saint Marc et saint Luc ont écrit, leurs travaux ont pu être contrôlés, non-seulement par l’Église de Jésus-Christ, mais aussi par les Apôtres, puisque c’est de leur vivant que ces deux évangélistes ont composé leurs récits.

CHAPITRE IX. LES PÊCHES MIRACULEUSES.

10. Saint Luc commence ainsi son Évangile : « Au temps d’Hérode, roi de Judée, il y avait un prêtre nommé Zacharie, de la famille d’Abia, et sa femme était aussi de la race d’Aaron et s’appelait Élisabeth » etc, jusqu’à ces mots : « Dès qu’il eut cessé de parler, Jésus dit à Simon Prends la pleine mer et jette tes filets pour la pêche[4]. » Dans toute cette suite de chapitres, on ne trouve matière à aucune contradiction. Saint Jean rapporte un fait semblable, mais ce n’est pas le même puisqu’il s’est accompli sur la mer de Tibériade, après la résurrection du Sauveur[5]. Le temps est tout autre elles circonstances elles-mêmes sont toutes différentes. Dans le fait rapporté par saint Jean, nous voyons que les filets furent jetés à droite et enveloppèrent cent-cinquante-trois grands poissons ; l’évangéliste insiste sur leur grandeur et fait remarquer que les filets ne se rompirent pas, car ils s’étaient rompus dans la pêche dont parle saint Luc. Quant au reste, l’histoire de saint Luc ne rapporte pas ce que rapporte celle de saint Jean, excepté lorsqu’il s’agit de la passion et de la résurrection du Sauveur. Mais nous avons déjà traité de tout ce qui suit la cène jusqu’à la fin, et après avoir rapproché tous les textes, nous avons reconnu que nulle part on ne peut surprendre de contradiction.

CHAPITRE X. ÉVANGILE SELON SAINT JEAN.

11. Il ne nous reste plus à examiner que l’Évangile de saint Jean que nous ne pouvons désormais rapprocher d’aucun autre. Comment trouver

  1. Luc. 1, 1-4
  2. Act. 1, 1,2
  3. Jn. 21, 25
  4. Luc. 1, 5 ; 5, 4
  5. Jn. 21, 1-11