Aller au contenu

Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/366

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

se fait-il qu’ils ne pouvaient pas croire, parce qu’ils ne comprenaient point, c’est-à-dire parce que leurs yeux étaient aveuglés ? Or ces paroles d’Isaïe : « Si vous ne croyez point, vous ne comprendrez point » s’entendent de l’intelligence des réalités inénarrables, où l’on sera fixé pour toujours ; au lieu que quand on nous dit ce que nous devons croire, nous ne pouvons le croire sans le comprendre. Il faut donc comprendre ce qu’on nous dit, afin de comprendre ce qui peut se dire ; et croire ce qui peut se dire, afin de comprendre ce qui ne saurait s’exprimer.
XV. Des paraboles de Notre-Seigneur[1]. – Et il ne leur parlait point sans paraboles. A Cela ne veut pas dire que Notre-Seigneur ne parlait jamais au propre, mais qu’il ne fit presque jamais de discours d’une certaine étendue, où il n’exposât quelque point de doctrine sous la forme de paraboles, bien qu’il entremêlât aussi quelques réflexions dans le sens propre : c’est ainsi que souvent tout son discours est émaillé de paraboles, et qu’on n’en trouve aucun où il ait parlé d’un bout à l’autre sans figures. J’entends par discours étendus, ceux qu’il commençait à propos d’une chose, épuisant tout ce qu’il avait à dire à ce sujet, pour passer ensuite à une autre chose. Parfois il est vrai, un Evangéliste transporte dans son récit ce qu’un autre Évangéliste rapporte à des époques différentes. C’est que chacun d’eux, au lieu de s’asservir à l’ordre des temps où les faits se sont accomplis, conduit sa narration d’après l’ordre où sa mémoire les lui représente.
XVI. Le trésor des choses nouvelles et des choses anciennes[2]. – « Avez-vous bien compris tout ceci ? Oui, répondirent-ils. Et il ajouta : C’est pourquoi tout docteur instruit de ce qui regarde le royaume des cieux, est semblable à un père de famille, qui tire de son trésordes.chosesnouvelles et des choses anciennes. » Le Seigneur a-t-il voulu faire entendre, dans cette conclusion de son discours, que le trésor caché dans un champ figure les saintes Écritures, qui se composent de l’Ancien et du nouveau Testament ; conformément à l’interprétation qu’il donne.suivantun autre Evangéliste, du glaive à deux tranchants[3] ? Ou bien, comme il avait parlé à ses disciples en paraboles ; après leur avoir demandé s’ils les comprenaient, et après la réponse affirmative qu’ils lui firent, n’a-t-il pas voulu leur enseigner, par cette dernière comparaison du père de famille, qui tire de son trésor des choses nouvelles et des choses anciennes, que l’homme vraiment docte dans l’Église sera celui qui comprendra aussi les anciennes Écritures avec leurs paraboles, en prenant les nouvelles pour règle d’interprétation des anciennes ? Car le Seigneur est aussi l’auteur de ces discours énigmatiques, quoique le Christ soit lui-même la fin des anciennes Écritures, c’est-à-dire, quoiqu’elles aient en lui leur accomplissement. Que si le Christ lui-même, en qui s’accomplit et se manifeste ce qu’elles ont dit, parle encore en paraboles, jusqu’au jour où sa passion viendra déchirer le voile, et où tout ce qui est caché doit être révélé au grand jour ; à combien plus forte raison faut-il admettre le sens caché des paraboles dans les choses qui ont été écrites de lui, si longtemps à l’avance, pour annoncer au monde la grande nouvelle du salut ! Prenant ces Écritures au pied de la lettre, les Juifs ont refusé d’être instruits de ce qui regarde le royaume des cieux et de venir jusqu’à Jésus-Christ, pour qu’il fît disparaître le voile étendu sur leurs cœurs.
XVII. Les frères de Notre-Seigneur[4]. – Ses frères, Jacques et Joseph, Simon et Jude, et ses sœurs, ne sont-ils pas tous parmi nous ? D’où lui viennent donc toutes ces choses ? Et il leur était un sujet de scandale. » Il est d’une telle évidence que, chez les Juifs, le nom de frère était attribué aux parents, que non seulement ce nom s’appliquait à ceux qui étaient du degré, le plus rapproché, comme sont les enfants de frères et sœurs, et ainsi que cela se pratique encore parmi nous très souvent mais encore que l’oncle et le fils de la sœur, le neveu, comme étaient entre eux Jacob et Laban, sont désignés par l’Écriture sous le nom de frères[5]. Il n’est donc pas étonnant que l’Évangile appelle frères du Seigneur tous ses parents du côté maternel ; et ceux qui pensaient que Joseph était le père du Seigneur, pouvaient également bien donner ce nom aux parents de ce saint patriarche.

Pensées détachées.


1. Violer la justice générale. — Nul ne viole la justice générale, s’il ne transgresse avec passion, soit les lois de la société humaine, par exemple, par le larcin, la rapine, l’adultère, l’inceste et autres désordres du même

  1. Mt. 13, 34
  2. Id. 51-52
  3. Apoc. 1, 16
  4. Mt. 13, 55-56
  5. Gen. 29, 15