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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/546

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Chapitre III - Motifs de croire au christianisme. Prophéties respectives au Christ et à l’Église

Si donc les liens qui unissent les hommes, si la société elle-même disparaissent, dès qu’on ne croit plus à ce que l’on ne peut voir ; à combien plus forte raison devons-nous croire aux choses diverses, quoique nous ne les voyions pas, puisque l’absence de cette foi détruit, non plus l’amitié de quelques hommes, mais notre sublime religion, et entraîna par là, le plus grand des malheurs

5. Mais, diras-tu, si je ne puis voir la bienveillance d’un homme à mon égard, je puis du moins m’en assurer par bien des preuves, tandis que vous ne pouvez m’en donner aucune des choses que vous voulez nous faire croire sans que nous les voyions. C’est déjà quelque chose que tu sois forcé de convenir qu’il faut croire, d’après certaines preuves, à ce qu’on ne voit pas : car il en résulte qu’on ne peut pas refuser de croire à tout ce qui ne se voit pas, et cette proposition qu’on ne doit croire que ce qu’on voit tombe sous la clarté de l’évidence et le poids du mépris. Mais c’est une grande erreur que de penser que nous croyons au Christ sans preuves.

En effet, y a-t-il des preuves plus claires que les prédictions que nous voyons accomplies ? Vous qui pensez qu’il n’y a pas de preuves qui vous obligent à croire du Christ des choses que vous n’avez pas vues, faites, je vous prie, attention à ce qui se passe sous vos yeux. C’est l’Église qui va vous parler dans sa tendresse maternelle Moi, dont vous admirez les fruits et les progrès dans le monde entier, je n’ai pas toujours été telle que vous me voyez ; mais il était écrit : « Toutes es nations seront bénies en Celui qui sortira de toi (1). » Quand Dieu bénissait Abraham, c’était moi qu’il promettait ; car je suis répandue chez toutes les nations, par la bénédiction du Christ. La suite des générations démontre que le Christ est de la race d’Abraham. Pour le prouver en deux mots : Abraham a engendré Isaac, Isaac a engendré Jacob, Jacob a engendré douze fils, qui sont la souche du peuple d’Israël ; car Jacob a porté le nom d’Israël. Parmi ces douze fils se trouve Juda, qui a donné sors nom aux Juifs ; et des Juifs est née la vierge Marie, qui a enfanté le Christ. Vous voyez avec étonnement toutes les nations bénies dans le Christ, c’est-à-dire dans la race d’Abraham ; et vous hésitez encore à croire en Celui en qui vous devriez trembler de ne pas croire !

Hésitez-vous, vous refusez-vous à croire qu’une vierge ait enfanté, quand vous devriez plutôt croire qu’une telle naissance convenait à un Homme-Dieu ? Sachez d’ailleurs que cela avait été prédit en ces termes par un prophète : « Voilà que la vierge concevra et enfantera un Fils, et qu’il sera appelé Emmanuel : mot qui signifie : Dieu avec nous (1). » Vous n’hésiterez donc point à croire à l’enfantement d’une vierge, si vous voulez croire à la naissance d’un Dieu, d’un Dieu qui ne discontinue point de gouverner le monde et se fait chair pour descendre jusqu’à l’homme, qui rend sa mère féconde sans lui ôter sa virginité. C’est ainsi que, éternellement Dieu, il devait naître comme homme, afin de devenir notre Dieu en naissant ainsi. Voilà pourquoi le prophète dit encore de lui : « Votre trône, ô Dieu est un trône éternel ; le sceptre de l’équité est le sceptre de votre empire. Vous aimez la justice et vous haïssez l’iniquité ; c’est pourquoi, ô Dieu, votre Dieu vous a sacré d’une onction de joie, au-dessus de tous ceux qui doivent y participer. » Cette onction est l’onction spirituelle dont un Dieu a consacré un Dieu, c’est-à-dire le Père son Fils ; et nous savons que c’est de cette onction, khrisma, qu’est dérivé le nom de Christ.

Je suis l’Église dont il est dit dans le même Psaume, et en prédiction de l’avenir : « La Reine est restée debout, à votre droite, vêtue d’or, et d’habits aux couleurs variées : » c’est-à-dire ornée des mystères de la sagesse et enrichie du don des langues. Là on me dit : « Ecoute, ma fille, vois et prête une oreille attentive, et oublie ton peuple et la maison de ton père ; car le Roi a été épris de ta beauté. C’est lui qui est le Seigneur ton Dieu. Les filles de Tyr viendront avec des présents pour l’adorer, et les grands de la terre imploreront tes regards. Toute la gloire de la fille du Roi vient du dedans ; ses vêtements sont resplendissants d’or et de broderie. A sa suite on amènera des vierges au Roi ; ses compagnes vous seront présentées ; elles viendront avec joie et avec allégresse, on les introduira dans le temple du Roi. Pour vous servir de pères, il vous est né des enfants ; vous les établirez princes sur