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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/281

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DE LA DIVINATION DES DÉMONS.


prophétiques des démons, ou de ces êtres, quels qu’ils soient, que les païens appellent leurs dieux. Il importait, disait-on, d’examiner si ces faits sont légitimes, non plus parce que la Toute-Puissance les autorise, mais parce qu’en eux-mêmes ils sont tellement sérieux, qu’on ne peut les attribuer qu’au pouvoir même de Dieu. — Je promis de répondre à ces différentes questions, mais plus tard seulement, parce que l’heure me pressait pour une réunion des fidèles ; et, dès que je trouvai le temps d’écrire, je ne différai point de rédiger notre première conversation, et d’y ajouter ce qui suit.

CHAPITRE III.
LA DIVINATION DES DÉMONS S’EXPLIQUE PAR TROIS CAUSES.

7. Telle est la nature des démons, que leur corps aérien jouit d’une sensibilité bien supérieure à celle des corps terrestres ; et que ce même corps aérien est doué d’une si grande facilité de mouvement, que sa rapidité non-seulement surpasse celle des hommes et des animaux sauvages, mais qu’elle remporte incomparablement sur le vol des oiseaux mêmes. Grâce à ces deux facultés inhérentes à ce corps aérien, c’est-à-dire, grâce à ces sens plus exquis et à ces mouvements plus rapides, ils savent avant nous bien des choses qu’ils prédisent ou révèlent, au grand étonnement des hommes, dont le sens tout terrestre est bien plus alourdi. Ajoutez que les démons, à la faveur de la durée si longue de leur vie toujours persévérante, ont acquis l’expérience des choses, bien plus que ne peuvent la posséder les humains dont la vie est si courte. Aidés de ces forces propres à la nature de leur corps aérien, les démons non-seulement prédisent plusieurs événements futurs, mais ils opèrent maintes œuvres merveilleuses. Et comme les humains sont incapables de telles prédictions et de telles opérations, il se voit des gens qui regardent les démons comme dignes d’être servis, et de recevoir même les honneurs divins ; et ces gens obéissent surtout à l’instigation de ce vice de la curiosité qui leur fait aimer un bonheur faux et terrestre et une supériorité mondaine.

Quant aux hommes qui se maintiennent purs de ces mauvaises passions, loin de se laisser abuser et captiver par elles, ils ne cherchent, ils n’aiment que le bien immuable et dont la participation doit les rendre heureux. Partant de là, ils commencent par se convaincre que, pour être doués de sens plus pénétrants qu’ils doivent uniquement à leur substance aérienne, à l’élément plus subtil de leur corps, les démons ne possèdent pour cela sur l’homme aucune supériorité véritable. En effet, en se comparant avec des corps terrestres, ils n’iront pas se placer au-dessous des bêtes, bien que chez elles les sens soient tout autrement pénétrants que chez nous. Ainsi, la sagacité du chien sait découvrir, grâce à son flair exquis, le gibier qui se cache, et c’est l’animal même qui sert comme de guide à l’homme pour s’en saisir ; non certes qu’il ait une âme plus que la nôtre développée et intelligente, mais seulement un sens physique plus pénétrant. Ainsi, encore, le vautour se précipite à tire d’ailes vers le cadavre le plus éloigné. Ainsi l’aigle planant dans le ciel aperçoit, dit-on, de cette grande hauteur, le poisson qui nage sous les flots ; et, tombant brusquement sur les eaux, déployant et ses jambes et ses serres, il se saisit de sa proie. Ainsi, enfin, nombre d’autres animaux rencontrent sous leurs pas errants des herbes nuisibles semées au hasard dans leurs pâturages, et ne touchent à aucune de ces plantes dangereuses, tandis qu’à grand’ peine l’expérience instruit l’homme à les éviter, et qu’il redoute bien des aliments innocents, parce qu’il ne les a pas essayés. De là il est aisé de conjecturer combien plus vifs encore doivent être les sens de corps aériens, sans que pour cela jamais homme sage n’assigne aux démons la supériorité sur les gens de bien. — Je pourrais dire la même chose à l’endroit de la vitesse des corps : en cette faculté, les hommes sont tellement inférieurs, non-seulement aux oiseaux, mais à un grand nombre de quadrupèdes, qu’on nous jugerait lourds comme le plomb en comparaison de leur rapidité. Et toutefois nul ne se placera au-dessous de ces races d’animaux pour cette mince raison ; nul n’oubliera que, pour les prendre, les apprivoiser, les plier à notre usage ou à notre caprice, la raison et non la force physique suffit à notre entreprise.

CHAPITRE IV.
BIEN QUE LES DÉMONS FASSENT CERTAINES CHOSES ÉTONNANTES, IL FAUT LES MÉPRISER.

Quant à la troisième faculté des démons, à