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Page:Augustin Crampon - Les quatre Evangiles, Tolra et Haton, 1864.djvu/573

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37 sv., sont-elles la même personne ; ou bien faut-il distinguer deux ou même trois Marie ?

Le premier sentiment, généralement suivi dans l’Église latine, fut attaqué au xvie siècle, par Lefèvre d’Étaple, qui chercha à démontrer que ces trois femmes étaient trois personnes différentes ; d’autres, et saint Jean Chrysostome et saint Jérôme paraissent favoriser cette opinion, identifient la pécheresse et Marie-Madeleine, mais distinguent Marie, sœur de Marthe et de Lazare. Beaucoup de savants catholiques, entre autres Fisher, évêque de Rochester, et le bollandiste Sollier (Commentar. præv. ad vit. S. M. Magdalenæ, § v, 8, 11) entrèrent en lice pour combattre l’opinion de Lefèvre. Elle fit son chemin malgré cela, notamment en France, où elle compta parmi ses partisans des hommes tels que Estius, Tillemont, Launoy, etc.

Voici quels étaient les principaux arguments de Lefèvre et de Tillemont : 1. Saint Luc qui parle de la pécheresse au chap. vii, de Madeleine au chap. viii, et de la sœur de Marthe au chap. x, ne laisse soupçonner en aucune manière l’identité de ces trois femmes. Il en est de même de saint Jean : comp. xx, 1, avec xi et xii. — 2. Ces trois femmes paraissent avoir eu un lieu d’habitation différent : la pécheresse, le bourg de Naïm ; Madeleine, celui de Magdala ; et la sœur de Marthe, le village de Béthanie. — 3. Madeleine accompagnait le Sauveur en Galilée (Luc, viii, 1 ; Matth. xxvii, 55 ; Marc, xv, 40, 41), tandis que Marie, la sœur de Lazare, demeurait à Béthanie. — 4. Si la pécheresse eût été la même personne que la sœur de Lazare, est-ce que Jésus aurait fréquenté cette famille ? Est-ce que les Juifs seraient venus consoler Marthe et Marie de la mort de leur frère ? — 5. Outre ces raisons, l’opinion de Lefèvre a en sa faveur l’autorité de plusieurs Pères, surtout de l’Église grecque (Origène, Théophylacte, etc.) ; des ménologes grecs, qui donnent pour la pécheresse, pour Madeleine et pour la sœur de Lazare, trois jours de fêtes différents (ler mars, 22 juillet, 18 mars) ; des martyrologes de Raban Maur et de Notker, qui font à des jours différents mémoire de la sœur de Marthe et de Madeleine (18 janv., 22 juillet), et enfin de notices du viie siècle, relatives à la sépulture de Madeleine et de la sœur de Marthe, suivant lesquelles la première serait ensevelie à Ephèse, la seconde à Jérusalem avec sa sœur et son frère.

Les partisans de l’identité des trois Marie, parmi lesquels il faut compter saint Cyprien, saint Augustin et saint Grégoire le Grand, répondent : 1. Ce que saint Luc n’a pas fait, rien ne l’obligeait à le faire. On peut même croire que c’est à dessein, et par un sentiment de délicatesse facile à comprendre, qu’il évite, en parlant de la sœur de Marthe (x, 39), de rappeler la honte de sa vie, purifiée d’ailleurs par la pénitence. — 2. Dans le passage allégué de saint Luc (vii, 37) rien ne prouve que cette ville fût la véritable patrie de la pécheresse. De même, la sœur de Lazare, qui demeurait alors à Béthanie avec son frère, pouvait être surnommée de Magdala, soit pour avoir habité autrefois dans ce bourg, soit pour y posséder quelque terre. — 3 Une femme de Béthanie pouvait bien accompagner de temps en temps Notre-Seigneur dans ses voyages en Galilée. — 4. Jésus-Christ ne dit-il