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Page:Avenel - Histoire de la presse française, 1900.djvu/15

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l’église des Mathurins, et là, appelés à haute voix pour prendre rang dans la procession générale avec tous les autres ordres du corps universitaire. Ils y marchaient en compagnie des écrivains, des relieurs, des parcheminiers, sous la bannière de Saint-Jean-Porte-Latine[1] ».

A cette époque, la vie intellectuelle, les connaissances philosophiques et scientifiques étaient renfermées dans des limites as étroites. Aussi, le mouvement de la librairie n’était-il guère entretenu que par des livres de théologie, de morale et par des manuscrits plus ou moins rudimentaires consacrés à l’instruction des nouvelles générations.

C’est dans les chants mordants des trouvères et des troubadours, ou bien dans certains mystères et dans les représentations de la Basoche, sur les tréteaux d’un théâtre primitif, qu’il faut aller rechercher la trace de l’esprit malin et railleur de notre race, au milieu de la société féodale et religieuse. « Savez-vous, dit M. Gidel[2], ce qui faisait une bonne part du succès des trouvères, des ménestrels des jongleurs et des troubadours ? C’est que, dans leur vie errante, ils colportaient les nouvelles de château en château, de ville en ville. Enfermés dans leurs donjons solitaires, en proie à de longs ennuis d’un hiver passé dans l’inaction et le silence, les barons voyaient, au printemps, revenir avec bonheur le poète, qui n’apportait pas seulement des vers et des chants nouveaux, mais qui répandait aussi aventures d’une société où n’étaient pas encore formés tous les liens de la vie civile. Les chansons elles-mêmes n’étaient souvent que nouvelles rimées, récits attendrissants ou caustiques d’événements propres, à réjouir la malignité des auditeurs. Parfois aussi les chanteurs s’élevaient plus haut. Ils attaquaient par des invectives hardies les princes, leur lâcheté, leur violence, leur avarice. Les plus puissants n’étaient pas épargnés ; la cour même de Rome payait comme les autres à ce creuset, et, dans ces temps reculés, si fort éloignés de l’invention des journaux, l’opinion publique ne laissait pas d’être instruite des méfaits des rois et des empereurs, des princes de l’Église et des papes. Le chant portail vite et loin sur ses ailes les âpres

  1. Histoire du Livre en France, par Edmond Werdet, t. I, p. 100. Paris, Dentu, 1861.
  2. Les Français du xviie siècle, p. 309. Paris, Garnier.