Aller au contenu

Page:Avenel - Histoire de la presse française, 1900.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avons rejetées et reprises, selon que la fortune nous a changés de place en ces orages publics. Ceste proposition si solennelle : si permis au sujet de se rebeller et armer contre son prince pour défense de la religion, souvienne vous en quelles bourbes ceste année passée l’affirmative d’icelle estait l’are-boutant d’un partv. la négative de quel autre party c’estait l’arcboutant : et oyez à présent dequel quartier vient la voix et instruction de l’une et de l’aultre, et si les armes bruyent moins pour ceste cause que pour celle-là[1]. »

On voit qu’en fait de contradictions et de palinodies politiques, il n’y a rien de nouveau sous le soleil.

Henri IV eut beau abjurer la religion protestante, les catholiques ne désarmèrent pas. Ils firent appel à la parole enflammée des prédicateurs comme aux libelles venimeux des pamphlétaires, pour continuer la lutte.

La plume érudite de Charles Labitte, dans son livre de la Démocratie chez les prédicateurs de la Ligue, nous a tracé le curieux tableau de l’éloquence fiévreuse, triviale, bouffonne et sanguinaire des prédicateurs de l’Église militante de cette étrange époque : Guillaume Rose. Guincestre, Pigenat, Genébrard, Panigarole et Commolet, ce Jésuite criard, déchaînant les tempêtes, se démenant et gesticulant dans la chaire comme un démon, en répétant d’une voix de fausset : « Il nous faut une Judith, il nous faut un Aod ! ».

Parmi eux se distinguait le curé Boucher, prédicateur violent, pamphlétaire plus violent encore, ce théoricien de la Ligne, dont les écrits présentent un assemblage incohérent de théocratie et de démocratie, l’utopie d’une sorte de république placée sous la souveraineté du Pape.

Boucher qui faisait de ces mots de la bible : Eripe nos de luto une traduction si bizarre : Seigneur, débourbonnez-nous !

Ces excitations odieuses, ces provocations fanatiques ne restèrent pas sans résultat sur certaines consciences catholiques faussées par de dangereux sophismes et surchauffées par les passions politiques du temps. Une véritable légion d’assassins furieux fut déchaînée contre le Béarnais, même après son entrée à Paris et sa réconci-

  1. Essais, 1, II, ch. xii.