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Page:Avenel - Histoire de la presse française, 1900.djvu/33

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l’autorisation nécessaire, comprenant tout l’intérêt qu’il y avait à tenir à sa discrétion une feuille qui raconterait les événements sous sa dictée et dans le sens qui agréerait. Il attacha à la rédaction de cette feuille Mézerai, Bautru, Voiture et La Calprenède. « C’était un quatuor qui avait son prix, dit M. Gidel[1]. Le premier de ces hommes y représentait le savoir et la franchise, Bautru la verve plaisante, Voiture le bel esprit délicat, et La Calprenède la rodomontade gasconne, qui n’était peut-être pas déplacée dans cette presse officielle. »

Une feuille périodique paraissant une fois par semaine, de quatre pages d’abord, bientôt de huit, cela peut faire sourire aujourd’hui : maison était alors au début du journalisme, et Théophraste Renaudot, qui en est le père, peut se vanter d’avoir créé une nombreuse famille. La Gazette paraissait rue de la Calandre, à l’enseigne du Grand-Coq. L’emblème, a-t-on dit, était bien choisi : cet oiseau querelleur, pétulant, avec ses ergots, sa crête ardente, sa fière démarche, sa voix perçante, peignait à merveille à l’avance toutes ces générations d’écrivains qui devaient, les unes après les autres, s’exercer dans l’arène ouverte aux hasards et aux hardiesses de la pensée.

Renaudot eut à soutenir bien des luttes contre des adversaires qui ne le ménagèrent nullement, notamment contre son confrère Gui Patin, le docteur le plus ironique, le plus passionné, le mieux instruit, le mieux disant de toute l’ancienne médecine.

Renaudot avait, soit par accident, soit par nature, le nez un peu trop court : il était camus et tout ce qui s’ensuit. Gui Patin s’en égaya de toutes les manières : il alla puiser dans son érudition et jusque dans saint Jérôme des insolences sur ce pauvre nez plus ou moins burlesque, et qui rappelle celui de Cyrano de Bergerac. Renaudot se disant offensé introduisit une plainte contre Gui Patin et demanda des dommages-intérêts, qui lui furent refusés. Au sortir de l’audience, Gui Patin lui dit : « Eh bien ! vous avez gagné, tout en

    impersonnelle porte, à partir de 1624 jusqu’à la mort du P. Joseph, la trace visible du style et des idées de la fameuse Eminence grise.
    Sans doute le P. Joseph a été des premiers à comprendre l’importance de la périodicité et son influence sur l’opinion publique. Mais la périodicité annuelle du Mercure ne nous semble pas suffisante pour lui attribuer le titre de journal. Nous réservons ce titre à la Gazette, qui fut d'abord hebdomadaire, et cela permet de laisser intacte la gloire de Renaudot.

  1. Les Français du XVIIesiècle, p. 325.