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Page:Avenel - Histoire de la presse française, 1900.djvu/34

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perdant. Vous étiez entré ici avec le nez trop court, vous en sortez avec un pied de nez. »


Théophraste RENAUDOT
Fondateur du Journalisme (1580-1653).

La statue érigée à Théophraste RENAUDOT, rue de Lutèce, à Paris, a été inaugurée, le 4 juin 1893, sous la présidence de M. Charles Dupuy, président du Conseil des ministres.

Le Comité constitué pour l’élévation de la statue avait pour président : M. Jules Claretie et pour secrétaire général : M. le docteur Gilles de la Tourette. Dans ses assauts contre Renaudot, Gui Patin l’appelait gazetier, ce qui était déjà une très grave injure, vaurien hebdomadaire, polisson à la semaine, et même suppôt du diable, sous prétexte que Renaudot était né à Loudun, ville bien connue par les diableries qui la troublèrent à l’occasion du curé Urbain Grandier[1].

Hatin, dans son Histoire politique et littéraire de la presse et Gilles de la Tourette, dans un travail plus récent, ont donné les détails les plus précis sur la vie et les aventures de ce premier ancêtre bien reconnu des journalistes modernes[2].

Rien de plus singulier que l’existence aventureuse de ce médecin philanthrope, qui, tout en distribuant des consultations charitables et des remèdes gratuits à une clientèle de déshérités, créa la publicité commerciale par son bureau d’adresses, fonda en France les Monts-de-Piété et mourut « gueux comme un peintre ». suivant l’expression d’un de ses contemporains.

Certains détracteurs de la gloire de Renaudot ont prétendu que cet homme de bien ne soupçonnait nullement la haute portée de créations, qu’il faisait du journalisme un passe-temps agréable et rien de plus, qu’il aurait été bien surpris et émerveillé si quelqu’un avait pu lui révéler de son vivant la valeur de l’arme qu’il avait forgée.

Pour faire la lumière sur ce point, il suffit de relire ce qu’écrivait le père du journalisme français en janvier 1633 : « Les suffrages de la voix publique m’espargnent désormais de répondre aux objections auxquelles l’introduction que j’ay faite en France des Gazettes donnoit lieu lorsqu’elle estoit encore nouvelle. Car maintenant la chose en est venue à ce point, qu’au lieu de satisfaire à ceux à qui l’expérience n’en auroit peu faire avouer l’utilité, on ne les menaceroit rien moins que « les Petites-Maisons. »

Y a-t-il rien de plus curieux et de plus prophétique que son intuition surprenante de la puissance du journalisme ? « Seulement, écrivait-il, feray-je en ce lieu deux prières, l’une aux princes et aux Estats estrangers, de ne perdre point inutilement le temps à vouloir fermer le passage à mes Nouvelles, veu que c’est une marchandise

  1. Gidel, op. cit., p. 322.
  2. Voir le Livre d’or de la Presse française dans l’Annuaire de la Presse de 1892, p. ccxxxviii et suiv.