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Page:Avenel - Histoire de la presse française, 1900.djvu/39

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« Au XVIIe siècle, quelques grandes familles avaient des nouvellistes à leurs gages. C’était une sorte de luxe. Un des plus célèbres fut Loret, dont la Muse historique, qui va de 1651 à 1659, offre un tableau exact et intéressant, des faits les plus petits, comme des plus importants, de la société parisienne à cette époque.

« Loret était né à Carentau, en Normandie. Il n’avait pas reçu grande instruction et ne pouvait guère que rimer en vers assez mauvais les nouvelles du jour. Mlle de Longneville, plus tard duchesse de Nemours, le prit à son service, et Loret s’engagea à lui fournir tous les dimanches une lettre en vers sur les événements de la semaine. D’abord, ce n’était que pour un petit nombre de personnes de la confidence de Mlle de Longueville que ces lettres étaient écrites : mais bientôt la curiosité s’en empara, on en fit des copies, on en trafiqua, et ces vers, fort applaudis, devinrent le passe-temps de la belle société. « Le roi, la reine, les princes et les princesses, dit Loret, les grands seigneurs et les dames de notre cour, les hommes mêmes de Longue robe et de profession sérieuse et studieuse quittent leurs autres emplois, afin de se récréer à celui-ci. »

« Loret mêlait ensemble la variété, la licence et l’utilité ! Sa lettre arrivait chaque dimanche à point nommé. Il ne prenait de repos que la semaine sainte. Il rendait compte des régals, des fêtes, des naissances, des morts, des mariages, des aventures scandaleuses, des sermons, des arrivées, des départs.

« La manière dont il terminait chacune de ses lettres était aussi plaisante que négligée.

Fait en avril, le vingt-huit,
Avant que mon souper fût cuit.
— Fait le cinquième jour de may,
D’un style qui n’est pas trop gai.
— Fait du jour de saint Laurent la veille.
En mangeant des œufs à l’oseille.

« Ce badinage en vers amusait le public de cette époque, qui était moins difficile que celui de nos jours.

Lorel recevait pour cette agréable besogne 250 livres de Mlle de Longueville. Plus tard, Fouquel porta le gazetier pour 200 écus dans la liste des gens qu’il pensionnait. Mazarin lui servit une rente[1]. »

  1. Gidel, op. cit., p. 343 et suiv.