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Page:Avenel - Histoire de la presse française, 1900.djvu/836

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HISTOIRE DE LA PRESSE FRANÇAISE

Les interviewers tiennent une si grande place dans la presse d’aujourd’hui, qu’ils ont fondé un dîner placé sous l’invocation de Saint-Simon, lequel, à les en croire, aurait été le premier des interviewers. Font partie de ce dîner Saint-Simon, Mme Séverine qui a interviewé le pape, Gaston Calmette qui a interviewé le roi Humbert, des Houx qui a interviewé Bismarck, et 25 ou 30 de nos plus spirituels journalistes qui n’ont interviewé, jusqu’ici, que des seigneurs de moindre importance.

Notons cependant parmi eux : M. Maurice Barrès, qui a publié deux interviews célèbres de Renan et de M. Fouillée, sans avoir d’ailleurs, — comme il l’a conté lui-même — vu ni l’un ni l’autre de ces deux philosophes, avant d’écrire leurs réponses imaginaires à des questions qu’il n’avait pas posées.

Une chose est certaine, c’est que le public goûte de plus en plus l’interview, et que l’interview, discrètement employée, sert au développement des informations précises qui sont plus que jamais une nécessité pour notre esprit[1].

C’est également pour répondre à cette curiosité ardente et à cette incessante recherche du document pris sur le vif, que les journaux politiques eux mêmes ont pris l’habitude, depuis environ cinq années, d’enrichir leurs faits divers ou leurs chroniques de croquis intercalés dans le texte, à propos d’une inauguration de statue, d’un accident sensationnel, d’un événement quelconque passionnant le public, etc. ; la vulgarisation des procédés de reproduction, chaque jour plus nombreux et plus à la portée de tous, a contribué largement à donner un grand essor à ce genre d’illustration dans la presse quotidienne.

Il s’en est suivi une transformation dans le format qui s’est agrandi et dans le nombre de pages qui s’est élevé jusqu’au chiffre de six pour quatre de nos grands quotidiens de Paris : le Figaro, le Vaulois, le Journal, le Matin et pour certains journaux des départements, tels que l’Écho du Nord, le Petit Niçois, etc.

Ce serait une erreur de penser que l’information et la politique

  1. Voir le journal le Temps du 21 octobre 1894, article sur l’interview, signé E. L.