Aller au contenu

Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/136

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mêmes, dont l’Iliade et l’Odyssée furent composées, ne sont pas du même auteur ; bref, si l’on doit sur tout cela prendre le contrepied de l’opinion commune, comment rendre à ces poèmes leur ancienne splendeur et leur forme authentique ? »

Ici encore, le latin de Wolf résume en quelques phrases plusieurs pages de d’Aubignac que nous connaissons déjà[1]. Ici encore, Wolf, pillant son devancier, se garde bien de le nommer. « Ces soupçons si probables de quelques-uns, non nullorum probabilis suspicio », ne peuvent être que les Conjectures : au temps de Wolf, personne autre que d’Aubignac ne les avait encore formulés. Mais dans quelle mesure Wolf les reprend-il à son compte ? Tout dépend de la façon d’entendre les si, et deux façons également plausibles de les interpréter permettront toujours à Wolf de se tirer d’affaire : « Je suis le réformateur, le novateur : j’ai dit si dans le sens de attendu que... Je reste le croyant en la vérité traditionnelle : j’ai dit si dans le sens de supposé que. » Toutes les fois que Wolf sera poussé par la pente de son exposé jusqu’au bord d’une déclaration abrupte, les si rentreront en jeu pour tenir le même rôle de parachutes.

Car Wolf, après cette page 39, fait un pas de plus : « Je vois, dit-il (pages 39-40), je vois qu’en ces matières, j’aurai à renverser l’opinion bien ferme de l’antiquité presque toute entière ; mais en ces lettres [profanes], il n’est rien de si contraire à l’opinion commune qui doive épouvanter le chercheur de vérité ; quand l’histoire se tait ou sommeille, il faut se laisser vaincre sans trop de résistance par ceux qui savent interpréter avec plus d’habileté et de pénétration les obscurités de la tradition ou les incertitudes des témoignages transmis. » Nous

  1. Voir plus haut, p. 17.