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Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/139

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génie grec. » Faut-il donc croire qu’Homère en est l’auteur unique ?... On ne saurait en douter, si Homère et son temps eussent connu l’écriture et la lecture. Mais puisqu’Homère et son temps ne connaissaient ni l’une ni l’autre, il faut admettre que le Poète n’est pas l’auteur du poème entier, tel que nous l’avons aujourd’hui ; il a composé néanmoins chacune des pièces, Voyage de Télémaque, Séjour d’Ulysse chez Calypso, Aventures d’Ulysse, etc., qui, après avoir été récitées séparément, furent ensuite réunies. Wolf semble donc admettre pour l’Odyssée la théorie que d’Aubignac et d’autres avaient formulée...

Mais il ne va pas jusqu’aux témérités de ces Français : dans les poèmes homériques, existe-t-il actuellement une unité apparente ou réelle ?... cette unité est-elle l’œuvre d’Homère ?... fut-elle introduite, après coup, par d’autres mains qui disposèrent, au fil de la matière, différents épisodes d’auteurs peut-être différents ?... grande, immense question, que Wolf pose en excellents termes ! mais il se garde de la traiter et même déclare vouloir ne pas la traiter, la jugeant inutile à son dessein, hanc quaestionem pono tantum, non pertracto ; est enim immensae materiae nec necessaria proposito nostro.

On pourrait objecter à Wolf que c’est là toute la question homérique et que la poser sans la traiter, c’est esquiver le problème. Mais Wolf serait en droit de répondre que jamais il n’a promis de traiter cette « question homérique » et que les « théories de Wolf » lui sont complètement étrangères ; seuls, des disciples enthousiastes, mais naïfs, ont pu lui prêter une telle « débauche de divination ». Outre qu’elle lui semblait inutile, cette recherche imprudente pouvait compromettre sa situation et son repos. Il ne voulait être qu’un correcteur de textes, fidèle aux exemples et aux