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Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/140

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chemins de l’antiquité, experiendum videbatur quo nos in expoliendis his aeternis et unicis graeci ingenii reliquiis vestigia antiquitatis ducerent. En l’an III de la République une et indivisible, libre aux sans-culottes de France de ne respecter ni dieux, ni rois, ni Aristote ! Wolf, sujet de Frédéric-Guillaume ll, entendait vivre et raisonner ad normam doctae antiquitatis, sous la règle de la docte antiquité. Et pourtant..., sans s’écarter des chemins antiques, en reprenant au contraire la vraie tradition des critiques alexandrins, ne pouvait-on pas signaler quelques indices et deux sortes d’indices au moins qui semblent trahir l’intervention de mains étrangères dans l’arrangement définitif des deux poèmes ?... Wolf, en douceur, se risquait donc à toucher, du bout des doigts, à ce double sujet, duae res hic paucis attingendae... Il écrivait le 7 mai 1795 au fidèle Böttiger qu’en certains endroits des Prolégomènes, il avait dû, sur l’unité des poèmes homériques, « retrancher vingt-quatre pages de son manuscrit pour ne pas se laisser enliser » en une idée périlleuse... Sommes-nous arrivés à cette coupure ? je le croirais volontiers.

Toujours est-il que, de ces deux sortes d’indices, dont parlait Wolf, la première est qu’en ces poèmes continus, apparaissent des sutures et des ruptures : voyez, par exemple, dans le chant XVIII de l’Iliade, les treize vers ajoutés entre 355 et 359 ; voyez de même au chant IV de l’Odyssée le recollage maladroit du vers 619 au vers 620. Pour l’Iliade, la docte antiquité elle-même reconnaissait en ce chant XVIII l’addition d’un « arrangeur », d’un diaskeuaste. Pour l’Odyssée, ne suffit-il pas de lire le passage et de voir combien le texte de ces vers 620 et suivants est obscur, faute si rare dans Homère[1] ?

  1. Prolegomena, p. 131 : de illius loci ambiguitate, culpa minime homerica. Nous verrons dans R. Wood le premier auteur de cette appréciation du style homérique.