Aller au contenu

Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/157

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ouvrir à l’érudition une carrière que les plus enthousiastes rêveurs n’eussent jamais osé lui promettre. Aujourd’hui qu’après cent vingt ans, cette conquête française a porté tous ses fruits, nous voyons qu’Homère a pu connaître l’écriture et plusieurs sortes d’écritures, que ses poèmes ont pu avoir des lecteurs, et par milliers : de Thèbes l’Égyptienne à Troie et de Babylone à Cnossos, nous voyons tout le Levant écrire et lire plusieurs dizaines de siècles avant l’âge homérique et, si, par écriture, on ne veut encore entendre que l’alphabet, il semble que, le ixe ou le xe siècle avant Jésus-Christ ayant vu naître les poèmes homériques, c’est au xie, peut-être au xiie siècle, que remonte l’alphabet, successeur en Grèce des écritures minoennes[1].

Mais si Wolf ne pouvait pas prévoir en 1795 ces effets de notre République une et indivisible, encore est-on en droit de signaler la naïveté un peu excessive de ses deux arguments, en particulier du second, car à cette comparaison du « vaisseau de ligne », il était facile de répondre, dès 1795, par l’exemple d’une « possibilité » contemporaine.

Au temps de Wolf, plus encore qu’au nôtre, l’écriture musicale était le lot de quelques gens de métier, et la lecture d’une partition était, plus encore qu’aujourd’hui, le secret de quelques initiés. Nous voyons pourtant les auditeurs affluer en nos Concerts pour entendre une musique que la majorité d’entre eux ne sauraient pas lire, et nous voyons des compositeurs, consacrant leur vie à d’énormes « vaisseaux de ligne », travailler pour un public dont les yeux ne liront jamais peut-être une de leurs notes. Puisque l’Allemagne de Wolf

  1. Il est un livre que l’on ne saurait trop recommander aux lecteurs français pour la nouveauté des idées qu’il expose : Ed. Naville, Archéologie de l’Ancien Testament, traduction Segond, Paris, 1914.