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Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/159

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posant de mémoire chacune de ces « vieilles tragédies », les eût livrées successivement à la mémoire de ses contemporains, quitte à les réunir ensuite en un arrangement suivi ou simplement juxtaposé ? nous avons des tapisseries du grand siècle qui, tissées séparément et à plusieurs années de date, n’en forment pas moins une composition unique, une suite.

Ce n’est là qu’une hypothèse, et toute gratuite peut-être. Mais puisque, « dans le silence ou le sommeil de l’histoire », Wolf ne voyait, pour résoudre cette question homérique, que « ces conjectures trop souvent taxées d’hypothèses », puisqu’il discutait, non de certitudes, mais de possibilités, pourquoi omettre ou écarter celle-là ? Avec une langue seulement, sans même une voix de fer ni des côtes d’airain, Homère aurait eu besoin, non plus de tablette et d’écritoire, mais seulement d’une mémoire prompte et fidèle..., et Wolf n’aurait eu plus besoin de consacrer le quart de ses Prolégomènes à l’histoire de l’écriture dans l’antiquité.

Oui... Mais que lui serait-il resté « pour faire sienne l’hérésie de d’Aubignac » ?

Les arguments littéraires de « fabrique » ?... C’était chausser les souliers de l’abbé, et de façon d’autant plus visible que, nombreux et faciles à donner pour l’Iliade, comme l’abbé l’avait fait, ces arguments étaient loin d’être aussi probants pour l’Odyssée.

Wolf faisait allusion à des arguments philosophiques touchant cet esprit des Grecs si lents à concevoir et à dresser un ensemble poétique. Mais il confessait qu’il eût fallu d’abord les chercher, ces arguments, — quitte à ne pas les trouver peut-être, — à travers tous les anciens interprètes ou connaisseurs d’Homère, les rhéteurs, les scholiastes, les grammairiens, etc. : ce travail eût été des plus utiles à coup sûr ; mais Wolf préférait le laisser à d’autres, à ceux qui voudraient juger