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Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/166

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comprennent pas l’épouvante, parce qu’ils traduisent « l’Égyptos au beau courant » par « l’Égypte bien irriguée » et pensent que, de l’îlot Pharos au rivage égyptien, il y avait quelques stades à peine. Wood, ayant mis plus de quatre semaines pour forcer l’entrée des bogaz et ayant vu périr sous ses yeux, dans les bogaz même, un bateau ragusais, a partagé l’effroi de Ménélas et nous l’explique. Il se flatte que « ces observations sur l’état actuel de la côte d’Égypte suffiront à l’apologie d’Homère ».

Mais c’est au xie chapitre de Wood, Langue et Connaissances d’Homère, que Wolf nous renvoie. De toutes les parties du livre, il n’en est pas où la méthode de l’auteur, son expérience et ses qualités lui soient moins utiles qu’ici : « Cet écrit, disait, Wood en sa Préface, est un abrégé de nos conversations durant le voyage… Si le lecteur trouve en moi quelque prévention pour les scènes romanesques des temps héroïques, il doit penser qu’avec deux de mes intimes amis, je n’ai pas pu faire sans enthousiasme le voyage de la Troade ni lire sans émotion l’Iliade sur les bords du Scamandre. Lorsque, tranquille et calme, je me rappelle les sensations que j’éprouvais, je m’échauffe en dépit de moi-même au souvenir des jours heureux que nous avons passés ensemble dans la Troade et à suivre, l’Odyssée en main, Ulysse, Ménélas et Télémaque dans les lieux qu’ils parcoururent en revenant de Troie. »

Les sensations, l’émotion et l’enthousiasme peuvent rendre vivant et fidèle le commentaire des navigations homériques : ils ne suffisent pas pour disserter congrûment de la langue et des connaissances d’Homère. Si, par langue, on entend le style seulement, ils fournissent du moins quelques éléments de critique neuve et vive. Wood et ses amis avaient lu les deux poèmes dans les meilleures conditions du monde, entre le ciel et l’eau,