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Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/167

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au long des détroits et des îles, quand « la tempête se précipite sur la mer Égée dont les vagues fumeuses changent la couleur naturelle », ou du haut de l’Ida quand, « au coucher du soleil, l’atmosphère est si claire et une lumière si brillante se répand sur les objets que l’on découvre distinctement la forme de l’Athos de l’autre côté de la mer, à l’heure où le soleil se repose derrière cette montagne. »

R. Wood fut le J.-J. Rousseau de la critique homérique ou son Bernardin de Saint-Pierre : le premier, il remit Homère en pleine nature. Il l’avait rencontré qui s’en allait « chanter ses poèmes de village en village », au long des côtes d’Ionie, « comme c’est l’usage aujourd’hui en Orient ». La « forme dramatique » de l’Iliade et de l’Odyssée l’avait confirmé en cette opinion, car il avait « souvent admiré l’action théâtrale des improvisateurs italiens et orientaux, quand ils déclament en plein air : ils se créent à l’instant une scène imaginaire et ils reproduisent sous les yeux tous les objets que décrit leur poésie ; mais ils s’emparent en même temps de ceux que peut découvrir l’auditoire ; ils les appliquent à leur sujet qu’ils réunissent, par là, au lieu où se trouve l’assemblée » (p. 10).

Cette poésie dramatique et de plein air, disait Wood, comporte un style, une langue, qui est proprement la langue d’Homère : « Comme il falloit saisir le sens d’une phrase à la seule prononciation et comme on n’avoit pas la ressource de l’écriture pour débrouiller les idées des autres, la simplicité et la clarté étoient plus nécessaires ; les périodes obscures et le style embarrassé ne commencèrent que lorsqu’on fit un art de l’écriture et que le travail tint la place du génie ;... Homère, quoique le premier, est connu pour le plus clair et le plus intelligible de tous les anciens écrivains. » Ambiguitas, nous disait Wolf tout à l’heure, culpa minime homerica.