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Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/168

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Le caractère essentiel de la langue homérique est donc d’être dramatique, d’avoir servi, non à l’écriture, mais à la récitation, de s’adresser à l’oreille et non pas à l’œil. Est-ce à dire que l’écriture ait été inconnue d’Homère ? « Nous ne sommes pas éloignés du temps, dit Wood (p. 219), où les grands politiques et les hommes d’État ne connoissoient point l’alphabet, et le lecteur doit être moins étonné si on dit qu’Homère ne savoit ni lire ni écrire ; cette assertion ne paroîtra plus un paradoxe si on remarque que la composition est l’ouvrage du génie, et l’habitude de lire et d’écrire celui de l’art ;... Homère ne dit rien qui donne l’idée de l’alphabet ; il n’emploie aucun des termes qui appartiennent à l’art de lire ; il paroît qu’il adressait l’Iliade et l’Odyssée à un auditoire et il ne fait mention de l’art d’écrire dans l’un ni dans l’autre des poèmes ; il connoissoit sans doute l’écriture symbolique, hiéroglyfique ou quelque autre pareille, et la lettre que Bellérophon porta au roi de Lycie en est une preuve : les Mexicains, peuple civilisé, n’avoient point d’alphabet et ils mandèrent à Montézuma le débarquement des Espagnols à l’aide de quelques figures peintes...»

Homère ne composait donc pas des poèmes pour être lus ; il ignorait vraisemblablement l’écriture alphabétique ; il avait peut-être un système de notation qui aidait la mémoire, son principal instrument de travail ; mais « l’usage familier de l’alphabet dans la Grèce et l’écriture en prose », pensait Wood, ne sont guère antérieurs à 554 ans avant J.-C. « Il est difficile de concevoir comment Homère, sans le secours de l’alphabet, a pu apprendre, retenir et communiquer tout ce qu’il savoit. Mais cette difficulté n’est pas insurmontable dès qu’on approfondit le sujet, car la tradition orale étoit très fidèle et la mémoire d’autant plus forte qu’on la chargeoit de moins de connaissances. Les Mexicains n’avoient point d’alphabet, leur écriture figurée sur les feuilles des arbres