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Page:Bachelin - Le Serviteur.djvu/44

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LE SERVITEUR

lancolie. Mes pieds étaient comme tellement enracinés — pour quelques minutes et sans doute pour toujours — dans cette terre dont maintenant tu fais partie, que je n’éprouvais le besoin ni de m’agenouiller, ni même de me découvrir. Je ne te faisais pas une visite de cérémonie : j’étais ici chez moi.

Ceux qui dorment là, dans le vieux cimetière de simples sépultures, et dans le cimetière neuf des caveaux de famille, je les ai presque tous connus. Certes, je n’aurais qu’à m’approcher de certaines pierres tombales à moitié cachées par le lierre et les hautes herbes, et depuis plus d’un siècle rongées par la pluie, pour y lire des dates de naissances qui remontent à 1750, à 1763, à 1768. Mais ces chiffres mêmes sont gravés au-dessous de noms qui me sont familiers et qu’ici l’on prononce encore chaque jour. Quant aux autres qui t’ont précédé là de quelques années même, je peux dire que je les ai tous connus. Ce ne sont pas eux que je viens voir ; mais, comme ils t’entourent, en même temps qu’à toi je leur rends visite. Ici je suis à la fois chez moi et chez toi.

Il y a des petits qui, depuis, ont été relevés et