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Page:Bachelin - Le Serviteur.djvu/45

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LE SERVITEUR

dont les cendres n’ont jamais dû tenir beaucoup de place. Avec eux j’ai esquissé mes premiers pas dans nos petites rues et joué mes premiers jeux à l’ombre des murs ou des arbres. La mort leur a fait signe de bonne heure. J’ai dû assister à leur enterrement. On me mettait des gants noirs qui me piquaient les doigts. J’étais trop jeune encore pour sentir des larmes me piquer les yeux. Et ils sont venus prendre rang ici, pour le jour de la résurrection dans la vallée de Josaphat.

Il y a là des gamins et des gamines de douze ans qui ont été relevés, et dont les cendres tenaient peut-être un peu plus de place. J’allais à l’école avec eux. Elles, je ne les fréquentais pas, mais je les connaissais. La vie déjà leur avait fait des promesses qu’elle n’a point tenues. Mais la mort leur a fait un signe auquel ils ont dû obéir. J’ai assisté à leur enterrement. J’étais enfant de chœur. Je portais la croix ou balançais l’encensoir. Derrière le manche de la croix j’aurais voulu pouvoir me dissimuler pour que l’on n’aperçut pas mon visage. Je m’efforçais de balancer l’encensoir en ayant l’air de ne penser à rien. Et ils venaient prendre rang ici,