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Page:Baillon - Histoire d'une Marie, 2è édition, 1921.djvu/155

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surtout, qui, à la face des autres, affirmerait : « Voici mon visage », à laquelle il faut dire : « Chut ! pas maintenant. Cinq plus deux, sept ; et trois de retenu… »

Puis ceci : on veut écrire et vite — avant que n’arrive la banqueroute. On porte en soi des rêves, des mots, des idées, peut-être d’anciennes souffrances, peut-être des espoirs frais. Parce qu’on les porte, on n’est ni Jean, ni Paul : on est Henry Boulant, un oiseleur, si l’on peut dire, à tirer du fond de soi les oiseaux pour ses rêts. On est fier. Souffrances et espoirs, on veut montrer tout cela. Voici votre plume… voici l’encre… Oui, mais la phrase qui hésite ! Les mots sont des oiseaux qui n’éclosent pas comme des poules au bout de trois semaines. Il faut des mois, il faut des ans, il faut pour les couver la poitrine tiède de la douleur… ou peut-être le chaud de la joie… ou peut-être… On a vingt-cinq ans, on ne sait pas, on cherche.

D’autres pourtant ont trouvé. On a dans sa bibliothèque des livres. Celui-ci chante beau. Essayons comme celui-ci. Oui, mais c’est lui qui chante, ce n’est pas moi. Alors comme cet autre ? Maintenant l’autre chante et pas moi… Pas moi !… Pas moi !…

Ainsi l’on pleure, ainsi l’on doute, ainsi l’on rage.

Mais Marie ? Une Marie, avec de ça et de ça, est-elle assez puissante pour cacher à elle seule tous ces murs de goudron ?

Voici :

Un jour, il rencontra Émile, son ami, le peintre. Émile n’était pas un triste. Émile ne cherchait pas ; devant sa toile il peignait : c’est peut-être ce qu’il faut pour être peintre.