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Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/22

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lourd. Que pense-t-il ? Que je suis un fou ? un imbécile ? en tout cas que je coûte de l’argent, alors que j’en pourrais gagner avec mes chiffres de haut en bas, de gauche à droite. Sur l’écran cela ne se voit pas : il ne m’aime pas, je ne l’aime pas, il me déteste. Je le sais, il le sait. Oh ! sans se le dire. Est-il besoin de se dire certaines choses ?

Voici maman. J’adore maman. Je voudrais que tout le monde aimât maman. Je lui ressemble. Elle m’a donné ses yeux, des yeux inquiets trop grands ; son front, un beau front, large et fort, ridé chez elle, uni chez moi, avec une mèche noire qui lui fait dire : « Mon petit Napoléon ». Piteux Napoléon ! Elle est menue, fragile, blanche ; une porcelaine craquelée. N’y touchez pas : elle est brisée. Pardon ! On plaisante toujours un peu sa maman. À peine entrée, elle a déployé son mouchoir, m’embrasse, étale sur mon lit des poires, des raisins, des bonbons, pleure. Elle restera pendant deux heures : pendant deux heures elle pleurera. À la maison, elle pleurera pendant les autres heures. À cause de moi. Pauvre maman !

On n’est pas riche, chez nous : petites pièces, peu de meubles. Maman s’occupe du ménage. Papa a sa mallette : une mallette en cuir jaune. Il l’emporte le matin, la ramène