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Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/241

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— Voilà ! Tu as voulu réparer. Réparer avec des fleurs ! Tu t’es piqué à tes épines. « J’ai découpé ce livre, j’étais lasse, j’ai bien dormi. » Quelle insistance ! Son livre, si tu l’avais feuilleté, les pages en étaient-elles découpées ? Bien dormi. Quand on a bien dormi, on n’a pas dormi du tout. Toi aussi, tu eusses « bien dormi ». Je mens, tu mens, elle ment, je ne suis pas seul, tu n’es pas seul, elle n’est pas seule, cela se conjugue et c’est vrai à toutes les personnes.

On s’arrêta. Des gens montèrent, puis un couple. La femme semblait endormie ; l’homme lui mit un bras aux épaules. Je les considérai.

— Pouah ! ces façons de s’enlacer en plein tramway. Mais non ! Ils sont gentils. Voilà qu’ils s’embrassent. Les nez ne filent pas de travers, leurs bouches ne sont pas des choses molles qui s’écrasent. Un baiser peut être délicat. Dire pouah ! c’est penser en bourrique. Tu ne l’es plus. Grâce à Nelly, grâce à… Oui, oui, tu n’en conviendras pas, mais tu pensais à Jeanne, tu pensais surtout à Jeanne. Oh ! c’est entendu. Tu ne l’aimes pas : tu la « vois volontiers ». De quelle façon, la verrais-tu le plus volontiers ? La bouche de Louise a remué sur la tienne, la bouche de Nelly a remué sur la tienne ; si la bouche de Jeanne… Mais là, en plein !