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Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/36

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Ce menu, sans doute, était compliqué, car on s’affairait aussitôt dans la cuisine, sauf la jeune femme qui se donnait des airs et ne touchait à rien, parce qu’elle était femme de chambre.

La table dressée, si j’avais connu le théâtre, j’aurais pu penser à ces pièces qui se jouent dans un décor à compartiments. À droite, le goinfre apparaissait, s’attablait, déployait sa serviette, appuyait sur un bouton. Drin ! cela sonnait chez les domestiques qui attendaient à gauche. Il fallait alors, sans oublier le Monsieur, surveiller ce qui se passait dans les autres compartiments : regarder, dans le premier, le chef qui puisait dans une marmite, dressait un plat et l’envoyait n’importe comment au valet ; suivre celui-ci dans le deuxième où le plat cherchait un équilibre plus correct sur les cinq doigts d’une main ; arriver au troisième où l’équilibre trouvé, on présentait le tout avec mille cérémonies qui étonnaient après ce que l’on avait vu. Il arrivait que du côté cuisine, le chef portât à la bouche et léchât la cuillère que l’on plongeait avec délicatesse dans la sauce, du côté salle à manger. Je ne trouvais pas cela très propre :

— Le Monsieur ne sait pas. Mais s’il savait ! Pauvre Monsieur.