Aller au contenu

Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je me souviens d’un conte d’Andersen : le petit soldat, une deux, une deux, qui revient de la guerre. Pour peu qu’on y réfléchisse, c’est un vilain bonhomme : duper une sorcière, lui voler son briquet, la tuer, prétendre épouser la princesse, appeler à son aide trois molosses qui jettent en l’air le roi et le brisent en mille morceaux, ce n’était pas bien. Je sentais cela vaguement et certes dans notre chambre, entre papa qui disait : « Ah ! mon Dieu, oui » ; et maman : « Ah ! mon Dieu, non », je n’eusse pas appelé les molosses. Mais je regardais à travers mon verre. Je devenais le petit soldat. Je marchais dans la forêt. Je rencontrais la princesse. Et quand les chiens faisaient leur besogne, comme dans l’histoire, « je trouvais cela assez de mon goût ».

Il y avait aussi les images. Une me frappa : un roi regagne son château, sa reine au bras et un page les suit qui porte la traîne. Le roi était plein de majesté. Sa couronne m’en imposait plus que le bonnet blanc du chef de cuisine. Son manteau m’enchantait aussi : bleu avec des fleurs d’or qui brillaient. Mais sous ce manteau, le roi était courbé. S’il avait marché vraiment, il eût posé les pieds sans savoir où, comme le goinfre. Comme on comprenait qu’avec ses deux tresses fines, son visage de jeune fille, la reine préférât se re-