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Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/46

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l’hostie devenait un poison, un fer rouge sur la langue et boum ! on était sacrilège.

Quand j’expliquais mon isba, mes camarades ne me comprenaient guère. À la vérité, je ne les comprenais pas davantage. Communier pour eux, c’était étrenner un costume, recevoir des cadeaux, rouler en voiture, se trouver à la place d’honneur à table entre beaucoup d’invités.

— Moi, m’avait dit mon voisin, je recevrai une montre. J’en veux une plate.

Je réserve pour plus tard mon appréciation sur ce voisin. C’était notre aîné à tous : un long maigre, répugnant, les doigts toujours souillés d’encre et de boue. Je ne sais pourquoi M. le Curé l’avait placé sur mon banc. Il s’appelait Dupéché. J’avais beau me dire : « Il n’a pas choisi son nom », quand on l’interpellait : « Et vous, qu’est-ce qu’un sacrement, Dupéché ? » je me reculais avec un frisson. Avais-je, comme voisin, un Dupéché véniel, un Dupéché mortel, ou plus gravement un Dupéché contre le Saint-Esprit ?

On eût dit qu’il s’amusait à exaspérer cette mauvaise impression. Le jour, où M. le Curé lança son coup de poing en criant : Mortuus est, Dupéché me poussa du coude, ferma très fort l’œil gauche, et me regarda de l’œil droit. Même jeu, quand M. le Curé imita le