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Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/89

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toute la nuit, puis un tacot, une heure de marche, tout cela s’allongeait bout à bout, kilomètres sur kilomètres pour séparer le page de sa reine. Il y avait le temps. « Aux vacances prochaines. » Un autre se fût réjoui. Je me complaisais à me tourmenter : « Elles n’arriveront jamais, ces vacances. » D’ailleurs on nous séparait. Qui on ? Cet être terrible qui n’a pas toujours de figure et prend soudain l’air de pur Lou… d’un papa qui vous regarde de travers. Alors voilà ! j’étais un page exilé, persécuté loin de la reine. Il avait mal. Au fond, comme il eût été désolé de n’avoir plus ce mal !

Pendant que l’on me croyait au travail, ces pensées, je tâchais de les écrire. « Vénération, culte, toujours, jamais », ces mots étaient trop faibles. J’en trouvais de plus forts, d’une orthographe plus rare : « Irréfragable, immarcescible ». Je les soulignais : D’un trait, deux traits, trois traits. Je les agrandissais à coups de majuscules. J’essayais avec mon sang.

La nuit passait. Une heure, deux heures. Que faisait la Reine ? Comment se résigner à dormir, quand peut-être comme moi, elle écoutait sonner les heures. Un soir, elle avait levé le doigt vers une étoile : notre étoile, le rendez-vous où nos regards se retrouvaient.