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Page:Baillon - Moi quelque part, 1920.djvu/35

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vaches, un cheval, plusieurs veaux, trois cents poules, des nichées de porcs. Ils cultivent des champs, vendent des graines, des semences, des épices. Ils logent des voyageurs, ils entreprennent des charriages. Le soir Fons rentre de son labour, harassé ; Mélanie dans son comptoir a pris la migraine ; Benooi, le moins solide, ne sent plus ses jambes, qu’ils doivent encore établir des comptes, rafistoler leurs outils, allumer le four et cuire le pain pour les voisins qui ne se donnent pas cette peine.

L’auberge sert également de salle d’attente aux voyageurs.

Il y a dans un coin une table avec de l’encre pour les écritures qu’on fait quand on expédie des marchandises. C’est Mélanie qui s’en charge, quelquefois Benooi, rarement Fons, car Fons, qui est distrait, laisse filer le train sans lui confier les bagages. On en retrouve quelquefois au bout d’une semaine, sous des ballots de foin, dans la grange.

— Je ne suis pas chef de gare, répond Fons.

Les dimanches d’été on sort les tables pour les promeneurs de la ville. Ils arrivent en vélo ; ils veulent boire de la bière des Trappistes, du vin des Trappistes, et aussi de ce lait qui ne serait peut-être pas si bon s’ils savaient qu’en semaine on le verse aux pourceaux. Tout le monde se mêle de servir, Mélanie, Fons, Benooi, Vader lui-même qui prend son temps. Le soir chacun vide sa poche sur le comptoir : cela fait beaucoup de sous.

Ils ne détestent pas l’argent, car puisqu’ils travaillent, il faut que ça rapporte. Mais ils ne sont pas avares. Qu’une vache crève :

— Bast, on en rachètera une autre.

Et si la tête d’un voyageur leur déplaît, qu’il cherche ailleurs : ils n’ont pas de place.

Ce sont les Baerkaelens qui ont facilité mon établissement dans le pays. Benooi m’apprend comment on élève des poules, Fons comment on s’y prend pour avoir un beau jardin. En hiver, ils m’enseigneront à tresser des paniers.

Je suis libre d’acheter mes denrées où je veux. Mais il n’y a rien qu’ils ne vendent. Tout mon argent passe chez eux.

Cimentée d’intérêt, notre amitié se calle, solide.