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Page:Baillon - Moi quelque part, 1920.djvu/44

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Elle trait les vaches. Elle bat le beurre. Elle porte sur le dos des sacs à renverser Un homme. Et son gars pour l’avoir aura les bras plus solides que les rentes.

Déracinés.

Un dimanche de kermesse, dans l’auberge pleine de monde, Mélanie m’appelle auprès de deux messieurs, à tête de rustre, mais habillés comme en ville.

L’un s’accompagne d’une femme et d’enfants, l’autre est seul.

— Mon frère Jérôme, mon frère Ernest.

D’où sortent-ils, ceux-là ? Le premier est chef de gare à Bruges, le second est « professeur » à Bruxelles. Il faut entendre instituteur.

Je ne les aime pas ; ils ont beau, les jours suivants, tirer leur redingote, fendre du bois, manger du lard, l’un garde son air de cuistre, l’autre ses allures de bureaucrate.

Ils ne sont plus d’ici. Ce ne sont plus des Baerkaelens.

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La vieille


Elle est toute mince : de dos, un satyre la prendrait aisément pour une fillette ; de face, il faudrait être aveugle. Elle est vieille, elle est sale. La même poussière qui s’encrasse dans le creux de ses meubles, remplit les rainures de son visage en bois mort. Qu’a-t-elle fait de ses cils ? Les dents parties, ses joues s’écroulent vers l’intérieur. Trop de choses ont passé sur ces lèvres, on ne trouve plus rien de ce seuil usé.

Elle vit seule et sa ferme est loin. Jamais elle n’en sort, personne n’y passe. Elle ne sait certainement pas qu’il existe des villes. Si on lui affirmait qu’il y a un train aux Trappistes, elle vous demanderait : « Un train, qu’est-ce donc ? »

— C’est loin, dit-elle, de Westmalle qui est cependant sa paroisse.