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Page:Bainville - Bismarck.djvu/86

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sa place et agit de toute son autorité et de toute son influence sur le conseil fédéral pour ruiner définitivement les dernières résistances de l’ancienne Allemagne et balayer jusqu’en Prusse « le luxe de végétation inutile du particularisme allemand[1] ».

Ce fut peut-être le passage le plus dangereux de toute sa carrière. Il n’était que le chancelier. Il oubliait parfois qu’il avait un souverain et un maître. Roi légitime, roi prussien, Guillaume Ier, attaché à ses traditions, n’admettait pas toujours sans hésitations ou sans scrupules les méthodes révolutionnaires de son ministre. À la cour même, Bismarck trouvait des résistances à sa politique. L’empereur plus d’une fois lui échappa. Des intrigues se nouaient contre le chancelier, dont l’impératrice était l’âme, et, derrière l’impératrice, le vicomte

  1. Cité par M. Émile Bourgeois dans son Manuel historique de politique étrangère, III, p. 766. Bismarck a plusieurs fois exprimé cette idée, et, avec une force plus particulière, dans ce passage de ses Mémoires : « Pour moi, l’idée nationale allemande est toujours la première, partout où elle entre en lutte avec le particularisme. Car le particularisme, même prussien, est en insurrection contre la chose publique, contre l’Empire et l’empereur, et trouve son appui dans les influences ultramontaines, françaises, et généralement romanes (welches), toutes également ennemies de la chose commune allemande et dangereuses pour elles. » (Gedanken und Erinnerungen, I, « XIII, p. 294.) « J’ai eu à soutenir contre le particularisme prussien «des combats peut-être plus durs que contre le reste des États et des « dynasties d’Allemagne. » (Ibidem, p. 295.) Bismarck ajoute d’ailleurs que s’il a triomphé du particularisme prussien, c’est grâce aux institutions monarchiques de la Prusse, grâce aux Hohenzollern et à l’intelligence qu’ils ont eue de leur avenir dynastique en Allemagne. Voir tout le chapitre « Dynasties et maisons » de ses Pensées et Souvenirs, où Bismarck expose que ni le Parlement, ni la presse, ni l’opinion, n’étaient des forces capables de créer l’unité allemande, et que, pour cette grande œuvre, il fallait une dynastie bien assise comme celle des Hohenzollern.