Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/225

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appui moral des nations étrangères. Les Jacobins de 1793 le savaient, ils ne doutaient pas que cet appui constituait au moins la moitié de leur puissance. La révolution aurait immédiatement gagné l’Italie, l’Espagne, la Belgique, l’Allemagne, et le roi de Prusse, inquiété sur ses derrières par une révolution allemande mieux encore que par une armée française, se serait trouvé dans une position vraiment pitoyable. Mais ils n’ont pas osé ces bâtards de Danton, et tous les peuples, dégoûtés de tant de sottise, de lâcheté, de faiblesse, n’ont plus |14 pour la nation française que de la pitié mêlée de mépris.

Les jacobins ont trahi la France à l’intérieur, car en proclamant la république, sur les ruines du régime impérial, ils l’auraient électrisée et ressuscitée. Ils n’ont pas osé, ils ont cru très patriotique, très pratique, de ne rien oser, rien vouloir, rien faire, — et par là même ils se sont rendus coupables d’un crime abominable : ils ont laissé debout, ils ont soutenu de leurs mains l’édifice impérial qui tombait. Ils ont été eux-mêmes les victimes d’une illusion qui prouve leur sottise : parce que tout le monde autour d’eux avait dit : « L’empire est tombé », ils l’avaient cru réellement tombé, et ils ont cru prudent d’en conserver encore quelques jours le simulacre, afin de contenir leur bête noire : les révolutionnaires socialistes. Ils se sont dit : « Nous sommes maintenant les maîtres, soyons politiques, pratiques et prudents, pour empêcher le fatal déchaînement de la vile populace ! »

Et tandis qu’ils raisonnaient ainsi, les réactionnaires, les Bonapartistes d’abord, et avec eux les Orléanistes, tout étonnés de vivre encore, de ne point orner de leurs corps les lanternes de Paris, respirèrent, puis reprirent courage, et considérant bien leurs maîtres nouveaux,