Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/189

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des hommes civilisés. L’État est donc en quelque sorte l’Église de la civilisation moderne, et les avocats en sont les prêtres. D’où il résulte avec évidence que le meilleur gouvernement est celui des avocats.

Dans la liberté politique et juridique, dont l’organisation constitue proprement le but de l’État, se marient les deux principes fondamentaux de toute société humaine, principes qui semblent absolument opposés, au point de s’exclure, et qui pourtant sont tellement inséparables l’un de l’autre que l’un ne saurait exister sans l’autre : le principe de l’autorité et celui de la liberté. (Oui, ils se marient si bien dans l’État, que le premier détruit toujours le second, et que, là où il le laisse partiellement subsister au profit d’une minorité quelconque, ce n’est plus comme liberté, mais comme privilège. L’État convertit donc ce que l’on est convenu d’appeler la liberté naturelle des hommes en esclavage pour tous et en privilège pour quelques-uns.)

Dès le commencement de l’histoire, pendant une longue suite de siècles, c’est le principe de l’autorité qui domina presque exclusivement, de sorte que le principe de la liberté n’eut pendant très longtemps d’autre moyen de se produire que la révolte, et cette révolte fut poussée, à la fin du dix-huitième siècle, jusqu’à la négation complète du principe d’autorité, ce qui eut pour conséquence, comme on sait, la résurrection de ce dernier, sa domination de nouveau exclusive, sous l’Empire, et plus modérée,