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Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/382

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chainement : « As-tu carillonné, descends du clocher[1]. »

Moi aussi, mon vieil ami, je me suis éloigné des affaires, j’ai décidément et à jamais, abandonné toute action personnelle ; aucun lien ne me rattache plus à quelque entreprise pratique que ce soit. En premier lieu parce qu’il se présente aujourd’hui pour ces sortes d’entreprises une masse d’obstacles ; le bismarckonisme, c’est-à-dire le militarisme, la police et le monopole des finances, combinés en un seul système qui s’appelle l’État moderne — triomphent partout. Il se passera peut-être dix ou quinze ans encore, durant lesquels, cette puissante et scientifique négation de tout ce qui est humain sera toujours triomphante. Je ne dis pas qu’il n’y ait rien à faire actuellement ; mais ce nouveau travail exige aussi des méthodes nouvelles et, surtout, des forces jeunes et fraîches — je sens que je ne suis plus bon pour cette nouvelle lutte et je me retire, sans attendre qu’un Gil Blas quelconque me dise avec insolence : « Plus d’homélies, Monseigneur ! » L’état de ma santé s’aggrave de jour en jour ce qui me rend incapable de faire de nouvelles tentatives révolutionnaires et de subir les émotions qu’elles entraînent.

Pour toutes ces raisons je me suis retiré pour rester dans le sein de ma famille, déjà de retour de Sibérie. À présent nous habitons tous Lugano et non Locarno.

Probablement tu as entendu dire plus d’une fois au cours de l’année dernière que j’ai acheté une grande propriété aux environs de Locarno ; et avec les autres, tu t’es demandé d’où me venait l’argent. Voici la solu-

  1. Proverbe russe (Trad.).