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Page:Baltasar Gracián - L’Homme de cour.djvu/96

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L’HOMME DE COUR

connaissance est difficile à contenter. Au sentiment d’Epictète, la meilleure maxime de la vie c’est de souffrir ; il a mis là la moitié de la sagesse. S’il faut tolérer toutes les sottises, il faut sans doute une extrême patience. Quelquefois nous souffrons plus de ceux de qui nous dépendons davantage ; et cela sert d’exercice à se vaincre. C’est de la souffrance que naît cette inestimable paix qui fait la félicité de la terre. Que celui qui ne se trouvera pas en humeur de souffrir en appelle à la retraite de soi-même, si tant est qu’il puisse bien se supporter lui-même.

CLX

Parler sobrement à ses émules, par précaution ; et aux autres, par bienséance.

On est toujours à temps pour lâcher la parole, mais non pour la retenir. Il faut parler comme l’on fait dans un testament, attendu qu’à moins de paroles, moins de procès. Il s’y faut accoutumer dans ce qui n’importe point, pour n’y point manquer quand il importera. Le silence tient beaucoup de la divinité. Quiconque est prompt à parler est toujours sur le point d’être vaincu, et convaincu.

CLXI

Connaître les défauts où l’on se plaît.

L’homme le plus parfait en a toujours quelques-uns dont il est ou le mari, ou le galant.