Aller au contenu

Page:Balzac-Le député d'Arcis-1859.djvu/147

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Pas encore ; il termine en ce moment une statue de je ne sais quelle sainte, mais il ne la laisse voir à personne et ne compte pas la mettre à l’exposition de cette année ; il a encore ses idées là-dessus.

— Qui sont ? dit Émile Blondet.

— Que les œuvres catholiques ne doivent pas être livrées au jugement d’une critique et aux regards d’un public également pourris de scepticisme ; qu’elles doivent, sans passer par les bruits du monde, aller pieusement et modestement s’installer à la place pour laquelle elles sont destinées.

— Ah çà mais ! fit remarquer Émile Blondet, un catholique si fervent et qui se bat en duel !

— Il y a bien mieux que cela. Il est catholique et vit avec une femme qu’il a ramenée d’Italie, une espèce de déesse de la Liberté, qui lui sert à la fois de modèle et de gouvernante…

— Quelle langue et quel bureau de renseignements que ce Bixiou ! se dirent en se séparant ses interlocuteurs. Ils venaient d’être conviés par madame de Montcornet à prendre de sa main une tasse de thé.

Vous voyez, cher monsieur, que les aspirations politiques de monsieur Dorlange ne sont guère prises au sérieux et qu’on en pense à peu près ce que j’en augure moi-même. Je ne doute pas que vous lui écriviez prochainement pour le remercier de sa chaleur à vous protéger contre la calomnie. Ce courageux dévouement m’a donné pour lui une vraie sympathie et je vous verrai avec bien de la joie user de l’influence de votre ancienne amitié pour le détourner de la voie déplorable dans laquelle il est sur le point de s’engager. Je ne juge pas les autres travers que lui a prêtés monsieur Bixiou, qui est un homme bien tranchant et bien léger, et, comme Joseph Bridau, je serais disposé à les trouver assez véniels ; mais une faute à jamais regrettable, c’est, selon moi, celle qu’il commettrait en abandonnant une carrière où il est déjà bien placé, pour aller se jeter dans la mêlée politique. Prêchez-le donc de toutes vos forces, de manière à le rattacher à son art. Vous êtes d’ailleurs vous-même intéressé à ce qu’il prenne ce parti, si vous tenez toujours