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Page:Balzac-Le député d'Arcis-1859.djvu/340

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— Oui, elle est arrivée inopinément sans avoir avisé ma femme, qui pourtant est avec elle en correspondance assez réglée. Son mari a, je crois, à vous demander quelque chose : vous ne l’avez pas vu ?

— Non ; mais j’ai maintenant une idée d’avoir reçu sa carte.

— C’est une concession de mines qu’il a en projet, et, puisque je vous tiens, permettez-moi de vous en dire un mot.

Parbleu ! pensa Rastignac, je serais bien bon de n’être venu ici que pour subir une fusillade de recommandations à bout portant ? Coupant donc court aux explications déjà commencées, et ne voyant aucun inconvénient à demander au mari, sans aucune préparation, une des choses qu’il avait comploté d’obtenir de la femme :

— Pardon, dit-il, si je vous interromps, nous recauserons de cela ; mais vous me voyez en ce moment livré à un assez grand souci.

— Comment cela ?

— L’élection de Sallenauve, votre ami, fait un bruit du diable ; le roi m’en parlait ce matin, et je ne l’ai pas beaucoup réjoui en lui faisant part de l’opinion que justement hier soir vous exprimiez sur le compte de cet adversaire qui nous arrive.

— Mon Dieu, vous savez ! la tribune est un terrible écueil pour bien des réputations faites à l’avance ; après cela, je suis fâché que vous ayez présenté au roi Sallenauve comme étant de notre intimité. Je ne fais pas les élections, moi ; c’est le ministre de l’intérieur qu’il faut prendre à partie. Je sais bien que pour mon compte j’ai retourné ce fâcheux de mille manières pour l’empêcher de se présenter.

— Mais vous comprenez que le roi ne peut pas vous en vouloir de connaître un député aussi imprévu.

— Non, mais c’est qu’hier soir, dans votre salon, vous disiez à ma femme qu’elle s’intéressait beaucoup à lui. Je n’ai pas voulu vous démentir devant témoins, parce qu’en définitive on ne peut pas renier un homme auquel on a une