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Page:Balzac- Traité de la vie élégante - 1922.djvu/173

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DE LA DÉMARCHE

La princesse de Hesse-Darmstadt amena ses trois filles à l’impératrice, afin qu’elle choisît entre elles une femme pour le grand-duc, dit un ambassadeur du dernier siècle, M. Mercy d’Argenteau. Sans leur avoir parlé, l’impératrice se décida pour la seconde. La princesse, étonnée, lui demanda la raison de ce bref jugement.

— Je les ai regardées toutes trois de ma fenêtre pendant qu’elles descendaient de carrosse, répondit l’impératrice. L’aînée a fait un faux pas ; la seconde est descendue naturellement ; la troisième a franchi le marchepied. L’aînée doit être gauche ; la plus jeune étourdie.

C’était vrai.

Si le mouvement trahit le caractère, les habitudes de la vie, les mœurs les plus secrètes, que direz-vous de la marche de ces femmes bien corsées, qui, ayant des hanches un peu fortes, les font monter, descendre alternativement, en temps bien égaux, comme les leviers d’une machine à vapeur, et qui mettent une sorte de prétention à ce mouvement systématique ? Ne doivent-elles pas scander l’amour avec une admirable précision ?

Pour mon bonheur, un agent de change ne manqua pas à passer sur ce boulevard, où trône la Spéculation. C’était un gros homme enchanté de lui-même, et tâchant de se donner de l’ai-