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Page:Balzac- Traité de la vie élégante - 1922.djvu/180

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Théorie

des mots qui résumaient la conversation, et ne conversait jamais. Il connaissait bien la prodigieuse déperdition de fluide que nécessite le mouvement vocal. Il n’avait jamais haussé la voix dans aucune occasion de sa vie ; il ne parlait pas en carrosse, pour ne pas être obligé d’élever le ton. Il ne se passionnait point. Il n’aimait personne ; on lui plaisait. Quand Voltaire se plaignit de ses critiques chez Fontenelle, le bonhomme ouvrit une grande malle pleine de pamphlets non coupés :

— Voici, dit-il au jeune Arouet, tout ce qui a été écrit contre moi. La première épigramme est de M. Racine le père.

Il referma la boîte.

Fontenelle a peu marché, il s’est fait porter pendant toute sa vie. Le président Rose lisait pour lui les éloges à l’Académie ; il avait ainsi trouvé moyen d’emprunter quelque chose à ce célèbre avare. Quand son neveu, M. d’Aube, dont Rulhière a illustré la colère et la manie de disputer, se mettait à parler, Fontenelle fermait les yeux, s’enfonçait dans son fauteuil, et restait calme. Devant tout obstacle, il s’arrêtait. Lorsqu’il avait la goutte, il posait son pied sur un tabouret et restait coi. Il n’avait ni vertus ni vices ; il avait de l’esprit. Il fit la secte des philosophes et n’en fut pas. Il n’avait jamais